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DELÉCLUZE ÉTIENNE JEAN (1781-1863)

Critique d'art. Témoin lucide des événements — et des bouleversements artistiques — qui ont marqué la France de la Révolution au second Empire, Delécluze a, tout au long de sa très abondante production de critiques (plus d'un millier d'articles), manifesté une inlassable fidélité aux valeurs classiques. Ses chroniques — ou ses souvenirs édités — sont le témoignage sur la première moitié du xixe siècle d'un fils de la bourgeoisie rationaliste issue des Lumières. Enfant impressionné par l'atmosphère de la Terreur, il choisit d'être peintre et entre à seize ans dans l'atelier de David, peu après que celui-ci eut échappé aux purges de Thermidor. L'élève restera à jamais marqué par l'enseignement du maître et par une personnalité dont il ne comprend pas toujours les motivations politiques. Il devient, à la fin de l'Empire, une sorte de confident du peintre de Léonidas, et prépare un livre de souvenirs — et de défense — qu'il ne publiera qu'en 1855 sous le titre : Louis David, son école et son temps (rééd. Macula, Paris, 1983). L'ouvrage est particulièrement vivant par l'éclairage qu'il porte sur les tendances d'avant-garde autour de 1800 et par l'évocation d'une génération dont Ingres demeure, un demi-siècle plus tard, le grand survivant. Toute sa vie, en effet, le critique défend le beau idéal fondé sur la sculpture antique, la primauté de la ligne sur la couleur et de la peinture d'histoire ancienne sur tous les autres genres (y compris les thèmes contemporains imposés par la propagande impériale). Sa carrière de peintre est brève : il expose au Salon de 1808 à 1814 (dont un Auguste et Cinna conservé au Bowes Museum de Barnard Castle), avant d'enseigner le dessin et de s'essayer, dès 1819, à la critique de salons. C'est l'appui des frères Bertin, puissants apôtres du « juste milieu », qui le détermine à entreprendre en 1822 une collaboration au Journal des débats appelée à durer une quarantaine d'années (complétée par de nombreux articles donnés à La Revue française, à la Revue des Deux Mondes, à L'Artiste, au Moniteur, enfin à la jeune Gazette des beaux-arts). Delécluze y passe en revue salons officiels et expositions, concours académiques et ventes d'art, grands travaux d'architecture, éditions historiques et artistiques, et tient une chronique d'opéra et de littérature. Un tel champ, associé à de tels organes de presse, n'est pas sans exercer une certaine influence sur la conscience culturelle de la classe dominante. Classique, Delécluze défend la tradition du bel canto de l'opéra italien ; et combat, au sein du comité historique des arts et des monuments, le courant néo-gothique, bien qu'il soit l'oncle de Viollet-le-Duc (et qu'il ait beaucoup compté dans la formation de l'architecte). Longtemps pris à parti pour son hostilité aux courants romantique, dont il refuse l'effusion, ou réaliste (selon l'historien de la critique d'art Lionello Venturi, il « ne comprit absolument rien à ce qui se passait autour de lui »), Delécluze a pourtant su reconnaître des qualités de peintre dans l'œuvre de Géricault, de Delacroix ou de Courbet, il est intervenu pour défendre Rude ou Barye ; et Baudelaire le crédite même d'une certaine honnêteté. Cet admirateur d'Homère et de la langue italienne découvre, jeune encore, les beautés de Shakespeare et participe, sous la Restauration, aux débats philologiques et esthétiques qui président à l'affrontement entre les classiques et les romantiques : c'est alors qu'il reçoit chez lui l'helléniste P.-L. Courrier, le premier traducteur de Faust A. Stapfer, Stendhal ou le jeune Prosper Mérimée ; c'est alors aussi qu'il fréquente assidûment le salon de M[...]

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Écrit par

  • : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites

Classification

Autres références

  • MÉRIMÉE PROSPER (1803-1870)

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    • 1 315 mots
    • 1 média
    ...Delacroix, dans les salons libéraux-bonapartistes (où l'on s'exclamait « sur la bêtise des Bourbons »), et surtout dans le « grenier » de E. Delécluze, peintre raté et critique d'art (1781-1863), où, en 1825, à vingt-deux ans, Mérimée lit trois pièces de théâtre : Les Espagnols...