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ÊTRE, philosophie

L'existence n'est pas un prédicat

Rappelons brièvement la réponse donnée jadis par Leibniz. Pour Leibniz, il y a « une raison » pour que quelque chose existe plutôt que rien, en vertu du principe même de la raison suffisante. Cette raison doit se trouver dans un Être nécessaire – autrement, on devrait à nouveau chercher une cause en dehors de lui, en vertu de laquelle lui-même existe au lieu de ne pas exister. Dans De rerum originatione radicali (écrit en novembre 1967), l'idée « qu'il faut passer de la nécessité physique ou hypothétique qui détermine les états postérieurs du monde par les états antérieurs à quelque chose qui soit pourvu de nécessité absolue ou métaphysique et dont on ne puisse rendre raison » est utilisée pour montrer « que la raison d'une chose existante ne peut se trouver que dans une autre chose existante : il s'ensuit qu'il existe un Être unique, métaphysiquement nécessaire, c'est-à-dire dont l'essence implique l'existence ». Un peu plus loin, Leibniz remarque : « Mais pour expliquer un peu plus distinctement comment, des vérités éternelles ou essentielles et métaphysiques, naissent des vérités temporaires, contingentes ou physiques, il faut reconnaître d'abord, du fait qu'il existe quelque chose plutôt que rien, qu'il y a, dans les choses possibles ou dans la possibilité même, c'est-à-dire dans l'essence, une certaine exigence d'existence, ou bien, pour ainsi dire, une prétention à l'existence, en un mot, que l'essence tend par elle-même à l'existence. D'où il suit encore que tous les possibles, c'est-à-dire tout ce qui exprime une essence ou réalité possibles, tendent d'un droit égal à l'existence, en proportion de la quantité d'essence ou de réalité, c'est-à-dire du degré de perfection qu'ils impliquent. Car la perfection n'est autre chose que la quantité d'essence » (trad. franç. « De la production originelle des choses prise à sa racine », in Opuscules philosophiques choisis, J. Vrin, Paris, 1978).

Pour Bertrand Russell (The Philosophy of Leibniz, 1900, G. Allen & Unwin, Londres, 1964 ; trad. franç. La Philosophie de Leibniz, Gordon & Breach, Paris, s.d.), cette prétendue preuve fonctionne seulement sous une condition très restrictive : « Si quelqu'un consent à admettre une existence finie, alors, on le force à admettre l'existence de Dieu ; mais s'il demande une raison d'admettre une existence finie, il n'y en a pas d'autres, si l'argument cosmologique est valable, que celles qui conduisent d'abord à l'existence de Dieu ; de telles raisons, toutefois, s'il y en a, ne peuvent se trouver que dans l'argument ontologique ; et cela, Leibniz l'admet virtuellement quand il appelle cette preuve un argument a posteriori » (trad. franç., p. 197).

Leibniz a révisé ailleurs l'argument a priori d'Anselme et de Descartes afin de le « compléter » : il s'agit avant tout de montrer que « l'être le plus parfait » est logiquement possible (puisque toutes les perfections sont compatibles entre elles) et ensuite qu'il existe « parce que l'existence est comprise parmi les perfections ». Mais, comme le remarque encore Russell (ibid., p. 196), l'argument dépend du fait que l'on considère l'existence comme un prédicat. Or « Leibniz aurait admis, ce que Kant soutint, que cent thalers que j'imagine simplement sont exactement pareils à cent thalers qui existent réellement, car c'est chose impliquée dans la nature synthétique des affirmations d'existence. Si ce n'était pas le cas, la notion de ces thalers réels serait différente de celle de cent thalers possibles ; l'existence serait contenue dans la notion, et le jugement existentiel[...]

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Écrit par

  • : professeur de philosophie des sciences à l'université de Milan

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