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ÉTYMOLOGIE

Dans l'usage commun, étymologie désigne soit en général la science de la filiation des mots, soit en particulier l'origine de tel ou tel mot. Il est donc difficile d'en donner une définition scientifiquement rigoureuse. En effet, l'étymologie possède une très longue histoire qui, durant des siècles, l'attacha à la philosophie autant qu'à la linguistique ; son objet même est équivoque, car elle s'occupe tour à tour ou à la fois des formes du langage et de leur contenu ; son champ d'application, enfin, est celui du conjectural plutôt que de l'évidence. D'où l'ambiguïté foncière de cette discipline.

Un art ou une science ?

D'origine probablement stoïcienne, le grec ἐτυμολογία fut formé, à partir de l'adjectif ἔτυμος (vrai), pour désigner un genre de spéculations déjà traditionnel au iie siècle avant notre ère. Le sens propre du mot est « recherche du vrai », ajoutons dans et par les mots : cette précision indique le but et le moyen de ce qui est moins alors une discipline qu'un mode de pensée, aux applications aussi bien philosophiques que poétiques. L'« étymologie » antique établit, entre deux mots, un rapport pensé comme idéal plutôt que réel, et cela en dehors de toute perspective historique : expliquer homo par humus revient à établir, entre les contenus de ces formes plus ou moins semblables, une relation d'analogie. C'est ce qu'exprime le mot origo (en français : origine), souvent employé comme synonyme d'étymologie. Quelque chose de cette conception survécut jusqu'au début du xixe siècle.

L'« étymologie » ainsi comprise fournit des éléments d'argumentation applicables à presque toutes les activités de l'esprit, de la recherche exégétique jusqu'à l'ornementation rhétorique (calembours). Les Pères de l'Église l'utilisèrent comme un moyen auxiliaire en vue de l'interprétation du texte sacré. Isidore de Séville, au début du viie siècle, constitua une somme des spéculations de ce genre : ses Etymologiae (ou Origines : les deux titres sont également attestés dans la tradition manuscrite) devinrent pour plusieurs siècles un classique. Elles reposent sur l'idée d'un dynamisme propre aux mots, dynamisme que l'on perçoit (et qu'on peut faire servir) en dégageant, de la complexité chaotique du langage, les relations « étymologiques » entretenues par les mots : ex causa (rex-regere), ex origine (homo-humus), ex contrariis (lucus-non lucendo). Cependant, dès la « Renaissance du xiie siècle », les connotations philosophiques du mot reculent devant ses nuances rhétoriques : l'étymologie se rapporte au langage plus qu'à la pensée. À la fin du Moyen Âge, le mot éclate sémantiquement : il ne désigne plus seulement une pratique comme telle, mais on parle aussi de « l'étymologie d'un mot » pour qualifier l'ensemble des relations idéelles ou réelles qu'il a avec d'autres éléments du lexique (regere est l'« étymologie » de rex). Mais une certaine pensée historique se fait jour : on perçoit obscurément un rapport de succession, voire de filiation, entre langues anciennes et modernes. On commence à utiliser dans cette perspective (qui mettra, du reste, longtemps à se dégager) la notion d'étymologie. Au xviie siècle, la mutation est opérée : étymologie possède dès lors une dénotation chronologique. Néanmoins l'œuvre des premiers grands étymologistes, comme Ménage en France, témoigne de points de vue plus logiques que linguistiques : le sens du mot est pris comme une constante, la forme comme une variable ; les altérations de celle-ci sont expliquées par quatre opérations simples, dont on ne considère aucunement la causalité : changement ou transposition, retranchement ou addition[...]

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Écrit par

  • : ancien professeur aux universités d'Amsterdam, de Paris-VII, de Montréal

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