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ÉTYMOLOGIE

Problèmes et directions de recherche

Étant donné un mot d'une certaine langue, l'étymologiste, pour remonter à son étymon (mot souche, attesté ou reconstitué), doit tenir compte de plusieurs ordres de faits, constituant autant de plans de recherche applicables, selon les cas, à ce mot pris isolément ou (plus souvent) à l'ensemble lexical (« champ ») auquel il appartient. Ces plans concernent, d'une part, les conditions historiques de la transmission ; d'autre part, le maintien, au cours du temps, d'une identité formelle ; enfin, la détermination d'une identité sémantique.

La transmission d'un mot (ou d'un ensemble de mots), c'est-à-dire sa continuité au cours du temps, est l'objet d'une critique fondamentale qui, lorsqu'il s'agit (comme c'est le cas le plus général) d'examiner des témoignages écrits, relève de la philologie. On établit, sur la base de documents les plus nombreux possible, les diverses formes revêtues par le mot en question, en déterminant leur chronologie, au moins relative (antériorité de telle forme par rapport à telle autre). Il n'y a jamais, sur ce point, d'évidence : le français rêver est attesté dès le début du xiie siècle, alors que rêve apparaît à la fin du xviie siècle ; le second est donc, selon toute apparence, dérivé du premier. Au reste, l'interprétation des documents, surtout s'ils sont anciens, pose parfois de graves problèmes de lecture : ainsi, deux variantes manuscrites d'un même texte antique, médiéval ou dialectal peuvent fournir deux formes divergentes dont l'une provient peut-être d'une faute de copiste ; en revanche, une forme à première vue aberrante peut être assurée par une rime, etc. De plus, au niveau de la première apparition du mot, l'étymologiste est placé en face de trois alternatives différentes et parfois cumulées.

1. Le mot est-il héréditaire ou non ? S'il ne l'est pas, il aura été produit par dérivation, composition, abréviation, voire par création arbitraire, au moyen de moules formels qu'il convient de définir comme tels. Le critère chronologique est ici le plus employé (exemple de rêver-rêve), mais il peut être malaisé à manier ; l'application de certains moules formels, comme la désignation d'un objet par le nom de son inventeur (nicotine, poubelle) ou de son lieu d'origine (popeline), n'apparaît que lorsqu'on a fait l'histoire, non linguistique, de l'objet lui-même. Le mot gaz, lancé par Van Helmont, représente la prononciation, par ce Hollandais du xviie siècle, du mot grec chaos. Dans les situations culturelles de bilinguisme, il peut se produire des échanges spontanés entre les registres linguistiques en présence, qui rendent ambiguë la notion même d'origine : sévérité fut-il un dérivé de sévère (ces deux mots apparaissent à la même époque, xvie siècle) ou emprunté de severitas ? Sans doute l'un et l'autre simultanément.

2. Le mot est-il autochtone ou fut-il importé ? C'est la question des « emprunts », entre lesquels il faut distinguer les emprunts étrangers (ainsi, bien des mots anglais dans le français des sports) et les emprunts faits par la langue commune ou littéraire aux dialectes, patois ou argots (ainsi luge ou chalet, venus de patois alpestres). Ces deux espèces de faits se relèvent à toutes époques : tapis (xiie siècle) est du grec byzantin importé par les croisés ; roturier, un mot dialectal employé dès le xie siècle dans le droit coutumier du Poitou, et qui pénétra, de proche en proche, dans l'usage des provinces de l'Ouest, du Bassin parisien, puis de l'Est, pour triompher, au xviiie siècle, dans le français commun d'où il chassa ses synonymes. L'histoire de la chose désignée par le mot est le plus souvent, ici encore,[...]

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Écrit par

  • : ancien professeur aux universités d'Amsterdam, de Paris-VII, de Montréal

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