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EUCHARISTIE

Questions ouvertes

Les questions de la Réforme

Dans les pages qui précèdent, les réclamations des réformateurs du xvie siècle ont été dans une certaine mesure entendues. Il est certain aussi que l'admirable tradition liturgique orthodoxe aurait à faire valoir plus d'un point de vue complémentaire, en particulier par sa doctrine de l'Esprit-Saint. Il faut cependant donner priorité au rappel de deux débats qui ont divisé les confessions chrétiennes pendant des siècles. Sauvegarder l'unicité du sacrifice sauveur de la croix, s'opposer à une offrande de la messe considérée comme une « œuvre » humaine qui offusque la gratuité de la justification, tenter de rétablir l'importance primordiale de la communion alors désertée ont conduit Luther et Calvin à nier, sinon tout aspect sacrificiel de la messe, du moins l'idée de sacrifice propitiatoire. Sur ce point, on peut noter une réelle convergence actuelle des théologies protestantes (Leenhardt, Thurian), anglicanes (Dix) et catholiques (Vonier, Bouyer), grâce à l'idée du sacrifice sacramentel, du sacrifice en mémorial.

Plus délicate est la divergence qui porte sur la présence du Christ. Calvin notamment a rejeté la position « spiritualiste » de Zwingli et retrouvé, contre la consubstantiation, les arguments de Thomas d'Aquin ; il écarte aussi la transsubstantiation qu'il comprend comme une sorte d'annihilation du pain et du vin. Il envisage donc une présence spirituelle et cependant réelle, où pain et vin « sont tellement signes que la vérité est jointe avec ». L'accent porte sur la foi, sans laquelle il n'y a pas de présence, car il n'y a pas de lien ontologique entre corps et sang du Christ, d'une part, et pain et vin, de l'autre ; si l'on mange et boit avec foi, on reçoit aussi le don spirituel. La présence ne dépasse donc pas le temps de la cène. Dans les termes anciens, le débat est sans issue. L'est-il dans une problématique renouvelée de part et d'autre, revivifiée à sa source biblique et consentant à de nouvelles voies d'approche ?

Vers une nouvelle formulation

Que dit, pour l'essentiel, le concile de Trente ? Dans l'eucharistie, il s'agit bien d'une présence réelle, mais d'un type original par rapport à celle des autres sacrements : accessible à la foi et cependant donnée pour sa condamnation à celui qui ne la discerne pas ; n'entraînant pas de disparition de la réalité sensible qui la porte et donc vraiment sacramentelle. Cela, Trente l'exprime en un certain langage et dans un contexte donné. Peut-on maintenir le sens de son affirmation dans un autre système ? La question se pose, parce que la position scolastique est aujourd'hui critiquée. La présence est en vue du don, dans une rencontre de personnes ; or, à force de vouloir la penser indépendante de la relation à l'homme, on la déshumanise : on croit la rehausser en la disant « ontologique », mais on la situe dans le domaine le moins personnel, donc le moins réel. Le monde réel, c'est en effet celui de l'homme, de sa relation aux êtres et aux choses. D'autre part, il n'est pas besoin d'être kantien pour que l'idée « d'une substance de ce morceau de pain » apparaisse inintelligible. Ce pain est un conglomérat sans unité essentielle, un fragment de continuum sans unité substantielle ; y a-t-il un contenu mystérieux, « derrière » le physico-chimique ? Dès lors, on a cherché à reformuler la vieille doctrine en termes de présence fonctionnelle, à partir du sens de l'aliment, de sa fonction, de sa finalité, de sa valeur de signe. Cela est bien réel et substantiel : quand il s'agit du monde humain, tout se réévalue ; ce qui n'est qu'un agrégat accidentel devient par sa fonction quelque chose de substantiel, une nourriture pour l'homme. Mais il peut devenir[...]

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Écrit par

  • : docteur en théologie, dominicain, directeur du centre de formation théologique du Saulchoir, directeur de la revue La Vie spirituelle

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