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ATGET EUGÈNE (1857-1927)

Un piéton de Paris

Une plongée dans les images souligne la variété des sujets comme la façon de les envisager, du plan large au détail minutieux. Atget s'est autant intéressé aux façades des vieux hôtels parisiens qu'aux éléments de décors (heurtoirs, vantaux de porte, mascarons, boiseries, rampes en fer forgé), aux sculptures des jardins publics et à leurs reliefs, aux devantures et enseignes de boutique. Il a également photographié des cours décrépies, des abords de chantiers de démolition. Il a suivi le cours de la Bièvre ou les murs des anciennes fortifications, sans oublier les personnages qui habitent ses images : commerçants, zoniers, chiffonniers. Il arrive encore que le photographe lui-même abandonne ça et là son ombre ou son reflet. À la fin de sa vie, il photographie les terrasses des cafés de Montparnasse, quelques nus en totale rupture avec la tradition académique, des branches d'arbres en fleurs ou leurs racines.

Mode masculine, magasin avenue des Gobelins, Atget - crédits : Georges Eastman House Collection

Mode masculine, magasin avenue des Gobelins, Atget

Atget partait photographier avant l'aube pour profiter de la lumière matinale. Il tirait ses épreuves dans son appartement parisien, situé au 5e étage du 17 bis, rue Campagne-Première (XIVe). Le trois pièces cuisine était adapté à son activité professionnelle : la salle à manger faisait office de laboratoire, les épreuves et les plaques étaient lavées dans la cuisine et le balcon servait à l'exposition des châssis à la lumière. Atget consacrait ses après-midi à la vente des épreuves. Pour toucher la clientèle la plus large, il variait sa manière de se présenter. En témoignent ses différentes cartes de visite où il se déclare tour à tour « photographe d'art » ou « auteur-éditeur ». Aux institutions, il vend d'abord des lots plus ou moins copieux, avant d'avoir l'idée de leur proposer des albums sur un thème particulier. Il fournit ainsi six albums à la Bibliothèque nationale entre 1911 et 1915. Chacun est relié et légendé par ses soins : « La Voiture à Paris » (1910), « Intérieurs parisiens, début du xxe siècle, artistiques, pittoresques et bourgeois » (1910), « Métiers, boutiques et étalages de Paris » (1912), « Les Zoniers » (1913), « Paris : Fortifications » (1913), « Enseignes et vieilles boutiques du vieux Paris » (1913). Le musée Carnavalet a pour sa part acquis les albums consacrés aux intérieurs et à la voiture. Ses clients privés sont pour la plupart des artistes : peintres, illustrateurs, graveurs, architectes, décorateurs, sculpteurs, amateurs du vieux Paris. Le photographe a inscrit leurs noms dans un cahier. Mais beaucoup de ceux qui se disaient ses clients n'y apparaissent pas, tel Man Ray. Pour cette clientèle, il présente ses épreuves dans des recueils, où il remplace au fur et à mesure les tirages vendus. À la mort d'Atget, la photographe américaine Berenice Abbott (1898-1991) a ainsi retrouvé 121 de ces albums destinés à sa clientèle. D'autres se souviennent l'avoir vu, vers 1925-1927, proposer dans le quartier de Montparnasse des épreuves aux clients des cafés du Dôme ou de la Rotonde : « Ce sont des documents. J'en ai des milliers. C'est cinq francs. » lançait-il. Cette phrase comme celle rapportée par Man Ray : « Ce ne sont que des documents », ou encore la carte apposée sur sa porte : « Documents pour artistes », ont contribué à façonner la réputation d'Atget : celle d'un artisan, qui se contentait de reproduire ce qu'il voyait, sans point de vue, et qui offrait à ses clients de la documentation sur le Paris pittoresque du xixe siècle.

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Écrit par

  • : diplôme de l'École Louis-Lumière, diplôme de recherche de l'École du Louvre, responsable du fonds de photographie à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, Paris

Classification

Média

Mode masculine, magasin avenue des Gobelins, Atget - crédits : Georges Eastman House Collection

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