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FROMENTIN EUGÈNE (1820-1876)

Issu d'une lignée de juristes et de médecins, Eugène Fromentin passe son enfance dans le domaine familial de Saint-Maurice (près de La Rochelle) et il en gardera des impressions ineffaçables. Excellent élève au collège de la ville, il se lie d'amitié avec une jeune fille, de quatre ans son aînée, qui se marie en 1834. Continuant ses études dans la capitale, il revoit son amie à l'occasion des vacances et, poursuivant son idylle, il est bouleversé par sa mort brutale en 1844 ; de ce drame naîtra Dominique. Deux ans plus tard, on le retrouve en Algérie où l'a poussé son goût pour l'orientalisme. Entre deux voyages en Algérie il se marie et, à son retour, publie deux volumes de souvenirs, Un été dans le Sahara (1857) et Une année dans le Sahel (1859), favorablement accueillis. Il commence alors à rédiger Dominique, terminé en 1862, roman auquel il devra sa renommée.

À l'écart des mouvements réaliste et naturaliste, il publie une œuvre originale. Dominique est un roman idéaliste. C'est une autobiographie romancée, modèle du roman d'analyse avec lequel il devient peintre du cœur, de la noblesse des sentiments, de l'honnêteté, de la confidence, des émotions tues. Au réalisme du décor s'allie un romantisme affadi ; le héros trouve la paix dans le renoncement à la passion. Furent publiés à titre posthume ses Lettres de jeunesse (1909) ainsi que son carnet de Voyage en Égypte (1935).

Fromentin écrivain ne doit pas faire oublier le peintre. À ce degré d'ailleurs, l'alliance entre peinture et littérature reste exceptionnelle, mais le peintre est bien à l'image du littéraire : nerveux, racé, plus intelligent qu'inspiré, éclectique avec passion et sincérité, inquiet et toujours noble, frémissant mais peu vigoureux, peu constant. Formé à l'école des vieux maîtres hollandais (Ruisdael, Potter, Wouwerman) par son père, docteur autoritaire et peintre amateur, puis transitant par les ateliers des paysagistes Rémond et Cabat, Fromentin trouve très vite son terrain d'élection avec le paysage oriental, avec l'orientalisme d'Afrique vécu en Algérie. Son premier Salon, de 1847, se partage entre des vues algériennes et un paysage de la campagne rocheloise. Se côtoient ainsi — un peu comme chez Daubigny, mais un Daubigny qui aurait visité l'Orient en observateur incisif et cultivé — un art du paysage dans le goût naturaliste des peintres de Barbizon et un orientalisme exotique nuancé de Corot et de ses lumières brumeuses et délicates. Sans oublier jamais la grande leçon subtile des Hollandais du Siècle d'or, les ciels vaporeux et instables de Ruisdael et de Van Goyen, les spirituels chevaux de Wouwerman et d'Adriaen van de Velde, jusqu'au format étiré en longueur cher aux nordiques des années 1630-1640. Ici, l'influence de Delacroix, de Decamps et de Chassériau, les grands orientalistes du xixe siècle, joue moins, l'éclectisme restant le maître mot de l'univers artistique de Fromentin dont les innombrables crayons soigneux révèlent, peut-être encore mieux que ses tableaux, un peu monotones et artificiellement bigarrés, la parfaite maîtrise, la recherche élaborée et savante, les affinités profondes avec les ingresques, de Chassériau à Gérome. Si l'Enterrement maure (Salon de 1853, Louvre) est encore une peinture forte au métier insistant, par la suite le faire de Fromentin, tout comme celui d'un Corot, devient toujours plus souple, plus modulé, plus délicatement tendre, voire d'un coloris un peu papillotant qui n'évite pas certaines stridences au sein d'harmonies complaisamment veloutées. Les sujets où son élégance graphique et sa culture hollandaise font merveille sont des Halte de cavaliers arabes (1868-1870, musée d'Orsay, Paris), des Chasse au faucon en Algérie (musée d'Orsay),[...]

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Écrit par

  • : conservateur des Musées nationaux, service d'études et de documentation, département des Peintures, musée du Louvre

Classification

Autres références

  • CRITIQUE D'ART EN FRANCE AU XIXe SIÈCLE

    • Écrit par
    • 6 622 mots
    • 5 médias
    Avec Les Maîtres d'autrefois (1876), le peintre-écrivain Eugène Fromentin (1820-1876) offre un autre exemple du recours au passé pour comprendre et juger le présent. Écho quotidien d'un voyage en Belgique et en Hollande, ce livre, essentiellement consacré à Rubens et à Rembrandt, n'est certes...