LABICHE EUGÈNE (1815-1888)
Successeur direct de Scribe dans la tradition du vaudeville et dans les faveurs du public parisien, Eugène Labiche a régné en maître sur le théâtre comique durant le second Empire. Cette célébrité ne déteint pas sur sa vie (« trop heureuse pour que [sa] biographie soit intéressante », dit-il lui-même), où le succès ne s'est pas fait attendre : « Je n'ai eu qu'à tirer le cordon pour entrer. »
Issu d'une famille bourgeoise, il fréquente, après une licence en droit, les coulisses du théâtre, collabore à plusieurs journaux et tient une chronique théâtrale régulière à la Revue du théâtre. En 1838, il publie son premier et unique roman, La Clé des champs, sorte de critique de la vie des bourgeois où s'ajoutent des éléments autobiographiques. La même année, il débute comme vaudevilliste avec deux adaptations plus ou moins réussies, Monsieur de Coyllin et L'Avocat Loubet, écrites en collaboration avec deux de ses amis ; sur les quelque cent soixante pièces de sa production, quatre seulement seront signées de son seul nom. Son œuvre suivante, L'Article 960 ou la Donation (1840), porte déjà sa marque. Il épouse, en 1842, une jeune héritière de dix-huit ans ; sa popularité est sans cesse croissante et, à partir de 1843, il produit sans relâche, écrivant d'abord des pièces en un acte dont le comique est fondé sur des rebondissements successifs de situations cocasses : Un jeune homme pressé (1848), La Fille bien gardée (1850), Embrassons-nous, Folleville (1850), Edgar et sa bonne (1852). Cette veine fantaisiste atteint la perfection avec Un chapeau de paille d'Italie (1851), où à la cascade d'événements imprévus il ajoute le rythme d'une poursuite : Fadinard, le jour de son mariage, cherche un chapeau qui doit rendre la tranquillité à une femme compromise ; les invités de la noce le suivent partout, de chez la modiste jusque chez le mari jaloux, ignorant les mobiles véritables de la démarche du marié, accumulant les gaffes. Toute cette course tourne au cauchemar, qui ne s'apaise qu'à la dernière minute.
Dès lors, Labiche néglige de plus en plus la vraisemblance des situations et laisse aller sa fantaisie la plus débridée dans des farces-comédies telles que L'Affaire de la rue de Lourcine (1857) et La Cagnotte (1864). En même temps, il s'efforce de donner une image des mœurs contemporaines : « Je me suis adonné presque exclusivement à l'étude du bourgeois, du « philistin » ; cet animal offre des ressources sans nombre à qui sait le voir, il est inépuisable. » Il en tire un certain nombre de pièces, notamment Le Voyage de M. Perrichon (1860), La Poudre aux yeux (1861), La Station Champbaudet (1862), Célimare le Bien-Aimé (1863), Doit-on le dire (1872), Le Plus Heureux des trois (1870). Il fait le tableau de cette classe que l'idolâtrie de l'argent rend mesquine et médiocre. La guerre de 1870, suivie de l'avènement de la IIIe République en 1871, apporte de nouveaux sujets, et de nouvelles mœurs apparaissent. Labiche crée encore quelques pièces, assez insignifiantes, pour se retirer du devant de la scène et se consacrer à l'édition de son théâtre complet.
Cette œuvre abondante, d'inspiration fort diverse et inépuisablement féconde, acquiert son unité dans une gaieté inaltérable. Se servant à la perfection de toutes les ficelles propres au vaudeville, Labiche parvient à fonder le rythme de ses pièces sur la succession d'événements s'enchaînant autour de quiproquos et créant les situations les plus extravagantes et les plus excentriques, qui devraient fatalement conduire à la catastrophe à tous les coups évitée. Il est le premier à découvrir un comique né de l'absurde. Les personnages vivent ces situations comme des marionnettes stéréotypées. Une certaine cruauté (ses « massacres à coups[...]
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Écrit par
- Hélène LACAS : auteur
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