POTTIER EUGÈNE (1816-1887)
Le destin prodigieux de L'Internationale a rejeté dans l'ombre l'œuvre et la vie son auteur. Conséquence injuste, car Eugène Pottier est peut-être le chansonnier socialiste le plus important du xixe siècle.
Après une période d'inspiration épicurienne, où prévaut l'influence de Béranger (La Jeune Muse), il s'oriente vers la chanson ouvrière. Ses textes reflètent largement les étapes de sa vie militante : il est babouviste, puis, après 1848, fouriériste ; ces influences idéologiques n'éclipsent cependant pas totalement la veine épicurienne première. Ne pouvant vivre de la vente de ses œuvres, publiées sur des feuilles volantes, dans des fascicules ou des journaux, Pottier n'abandonne jamais son métier de dessinateur sur étoffes.
En 1871, il est élu membre de la Commune de Paris et fait partie de la commission des Services ainsi que de la Fédération des artistes. Réfugié aux États-Unis après la Semaine sanglante, il célèbre alors le souvenir d'une expérience qui le marque pour le reste de ses jours. L'orientation résolument socialiste, mais surtout le souffle épique qui anime ses meilleures chansons confèrent à la production de cette période une force que Jules Vallès compare à celle des Châtiments de Victor Hugo (En avant la classe ouvrière et Jean Misère, 1880 ; L'Insurgé, 1884 ; La Question sociale, 1885 ; Elle n'est pas morte, 1886). Pourtant la renommée ne l'atteindra qu'à la veille de sa mort, grâce à un recueil, Quel est le fou (1884), publié avec l'aide financière du chansonnier Gustave Nadaud.
Malgré ses faiblesses, L'Internationale, écrite par Pottier en juin 1871 à Paris, est l'un de ses textes les plus riches du point de vue idéologique. Parce qu'« elle offre cet avantage qu'elle condense en six couplets les conceptions essentielles du prolétariat socialiste » (A. Zévaès) et qu'elle est portée par une musique (composée par un ouvrier tourneur belge, Pierre Degeyter, en 1888) parfaitement adaptée aux nécessités d'un chant de combat, L'Internationale devint, en moins de trente ans, l'hymne du mouvement socialiste international.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Claude KLEIN : diplômé de l'École pratique des hautes études, chargé de cours à l'U.F.R. de musique et musicologie de l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Autres références
-
CHANSON FRANÇAISE
- Écrit par Hélène HAZERA
- 5 010 mots
- 8 médias
...d'œuvres désormais mythiques comme, en 1866, Le Temps des cerises de Jean-Baptiste Clément (1836-1903) ou, en 1871, L'Internationale d'Eugène Pottier (1816-1887), dans la veine des Chants et chansons de Pierre Dupont (1821-1870), célébré par Baudelaire. Parallèlement, une sorte d'« industrie... -
MONDIALISATION - Le point de vue internationaliste
- Écrit par Daniel BENSAÏD
- 6 120 mots
- 1 média
« L'Internationale sera le genre humain ! » : le poème composé en juin 1871, au lendemain de la Commune de Paris, par Eugène Pottier et que Pierre Degeyter mettra en musique, est devenu l'hymne universel des mouvements socialistes et communistes. Apparu en Grande-Bretagne au début des...