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RICHARDS EUGENE (1944- )

Adulé par certains pour son intransigeance à montrer un monde qui ne tourne pas rond, détesté par d'autres qui le jugent excessif ou l'accusent de tirer profit de la misère, Eugene Richards est aux États-Unis un photojournaliste réputé. Ce photographe documentaire n'utilise que le noir et blanc. Ses sujets ? La guerre au Liban et au Salvador, la pauvreté, la drogue, le cancer, les urgences dans les hôpitaux, les enfants atteints du sida, la vieillesse, la misère en Afrique... Ancien membre de l'agence Magnum (il s'en est retiré en 1994), collaborateur régulier et vedette du magazine américain Life, auteur de huit livres – son support préféré –, lauréat de multiples prix (International Center for Photography, prix Eugene Smith, etc.), Eugene Richards a fait l'objet d'une rétrospective aux Rencontres internationales de la photographie d'Arles, en juillet 1997 (présentée ensuite, à Paris, au Centre national de la photographie en février 1998), et il est entré dans la collection Photo Poche (Nathan) au côté de Cartier-Bresson, Doisneau, Eugene Smith, Robert Frank ou Bill Brandt. Cependant, il est encore mal connu en France.

Le personnage est ascétique, réservé, anxieux ; il ressemble à un étudiant torturé avec son crâne dégarni, sa barbe et ses lunettes épaisses. Le parcours témoigne que l'homme et le photographe ne font qu'un. Chaque reportage d'Eugene Richards implique de sa part un engagement total, sur plusieurs années, jour et nuit. Son engagement au côté de la communauté noire lui vaudra, au début des années 1970, d'être agressé par des extrémistes blancs et d'en garder des séquelles nerveuses. Quand sa première femme, l'écrivain Dorothea Lynch, apprend qu'elle est atteinte d'un cancer du sein, elle écrit le journal de sa maladie, et il la photographie. Leur double contribution sera rassemblée dans un livre, le plus radical de Richards, Exploding into Life (Aperture, 1986), publié trois ans après la mort de sa femme. Rien ne nous est épargné, notamment la cicatrice suintante du sein opéré, la chimiothérapie, les vomissements...

Né le 25 avril 1944 à Dorchester (Mass.) d'un père peintre dans un chantier naval et d'une mère femme de ménage, Richards obtient un diplôme d'anglais et de journalisme à l'université de Boston, puis étudie la photographie avec Minor White au M.I.T. (Massachusetts Institute of Technology). À vingt-quatre ans, il rejoint l'association Vista (Volontaires au service de l'Amérique) et travaille pour la santé publique dans le delta du Mississippi, en Arkansas.

Pendant cinq ans, Richards photographie les conditions de vie misérables de la population noire. Il en tire un premier livre, Few Conforts or Surprises : the Arkansas Delta (M.I.T. Press, 1973). En couverture, un petit garçon noir (ou plutôt une petite fille ?) semble crever les yeux d'une poupée blonde. Comme dans tous ses livres, le texte est rédigé à la première personne, ce qui accentue sa volonté de témoigner. Il raconte comment « 60 p. 100 des familles noires gagnent autour de 2 000 dollars par an ». C'est son livre le plus sobre, dans les cadrages comme dans la mise en pages. Cette sobriété est liée à sa volonté d'enregistrer strictement ce qu'il voit, comme « un cameraman ».

Eugene Richards s'inscrit d'emblée dans une tradition photographique américaine, entre constat anthropologique (Walker Evans), lyrisme (Eugene Smith) et autobiographie (Robert Frank). D'une certaine façon, il rejoint aussi la photographe américaine Diane Arbus qui disait que le sujet d'une image était plus important que l'image elle-même. Dans le même ordre d'idée, Richards cherche à être très proche de la scène photographiée pour que le spectateur la reçoive de plein fouet. Ce reportage montre combien les Noirs sont exploités, violentés. Tués[...]

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