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ROUHER EUGÈNE (1814-1884)

Cet Auvergnat de Riom n'est encore qu'un avocat de province, assuré d'une bonne clientèle, jusqu'au jour où la IIe République en fait un député. Rouher se rallie vite à Louis-Napoléon, et il est, à deux reprises, chargé du ministère de la Justice. Au lendemain du coup d'État du 2 décembre 1851, on le retrouve ministre de la Justice jusqu'au 24 janvier 1852, puis vice-président du Conseil d'État, et enfin ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics en 1855. En janvier 1860, il signe avec Richard Cobden le traité de commerce avec l'Angleterre, qui engage l'Europe dans une ère de libre-échange. Ministre d'État de 1863 à 1869, il a pour mission de défendre la politique impériale ; son éloquence solide, son assurance résolue réconfortent une majorité impérialiste que les difficultés croissantes, à l'intérieur comme à l'extérieur, déconcertent et inquiètent. Mais Rouher freine en même temps le mouvement de réformes engagé par l'empereur, et qui tend à réduire les pouvoirs de l'exécutif. C'est le moment où son influence est à son apogée. On l'accuse d'être le « vice-empereur », selon l'expression d'Émile Ollivier, de constituer à lui seul le gouvernement ou, comme on dit, le « rouhernement ». Devant les progrès de l'opposition libérale, Rouher démissionne et, en compensation, il est élevé à la présidence du Sénat le 20 juillet 1869. Il combat le ministère du 2 janvier 1870, le ministère Ollivier, mais, à la différence des « ultras » de l'impérialisme, il ne semble pas avoir poussé à la déclaration de guerre à la Prusse. La chute de l'Empire en fait le chef indéfectiblement fidèle d'un parti bonapartiste qui, autour de 1872-1873, semble avoir retrouvé quelques chances : Rouher lui-même est élu député de la Corse en 1872. La mort du prince impérial, en 1879, achève d'anéantir ses espérances. Rouher abandonne définitivement la politique en 1881. Peu cultivé, à la différence d'Ollivier, Rouher avait des qualités certaines : la puissance de travail, l'intelligence de l'économie, la connaissance parfaite des affaires — qui lui permettait de parler sans notes sur les sujets les plus difficiles et en faisait un « debater » parlementaire de premier ordre. C'est le grand commis, le technicien impeccable, l'avocat habile des bons et des mauvais dossiers. Il n'est pas sûr qu'il ait été un homme d'État.

— Pierre GUIRAL

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