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SCRIBE EUGÈNE (1791-1861)

Fils d'un marchand drapier de la rue Saint-Denis, Eugène Scribe ne vient au théâtre que par goût du vaudeville, qui le détourne d'une carrière d'avocat où le poussent ses parents. Il débute au théâtre des Variétés avec une piécette qui ne recueille aucun succès, Le Prétendu sans le savoir ou l'Occasion fait le larron (1810). Il reste dans l'anonymat jusqu'en 1815, date à laquelle il fait représenter Une nuit de la garde nationale. Aidé par la rente qui lui est versée après la mort de ses parents, il parvient à force d'écrire à déceler ce qui plaît au public et peut alors fabriquer des succès. Ainsi paraissent de petites pièces alertes et débordantes de vie qui firent la gloire du vaudeville et surtout du Gymnase : Le Solliciteur (1817), Les Deux Précepteurs (1817), L'Ours et le Pacha (1820), Michel et Christine (1820), Le Secrétaire et le Cuisinier (1821), Le Ménage de garçon (1821), Le Nouveau Pourceaugnac (1822), La Veuve du Malabar (1822), L'Héritière (1823), Les Premières Amours (1825), Le Diplomate (1827). Fournisseur attitré du Gymnase, dont le répertoire passe pour être l'idéal dramatique durant la seconde période de la Restauration, il devient celui de presque tous les théâtres de Paris et s'essaie à tous les genres. Il tente d'écrire des comédies de mœurs pour le Théâtre-Français : Le Mariage de raison (1826), Le Mariage d'argent (1827), mais ses admirateurs préfèrent ses vaudevilles. En même temps, il remporte ses plus grands succès à l'Opéra-Comique et au Grand Opéra avec Fra Diavolo (1830), Le Philtre (1830), Robert le Diable (1831), La Juive (1835), Les Huguenots (1836), L'Ambassadrice (1836). Bertrand et Raton (1833) inaugure une manière de comédie qui puise l'intrigue dans la politique et l'anecdote dans l'histoire : Les Ambitieux (1834), La Camaraderie (1836), Les Indépendants (1837), La Calomnie (1840), Le Verre d'eau (1840).

La seconde partie de la carrière de Scribe est tout aussi remplie et triomphale que la première : au Théâtre-Français il donne Une chaîne (1841), Le Puff (1848), Adrienne Lecouvreur (1849), Les Contes de la reine de Navarre (1850), Bataille de dames (1851), La Czarine (1855) ; à l'Opéra et à l'Opéra-Comique : La Favorite (1840), Les Diamants de la Couronne (1841), La Part du Diable (1843), Haydée (1847), Le Prophète (1849), L'Étoile du Nord (1854) et une foule d'autres œuvres. En 1836, il est élu membre de l'Académie française.

Dramaturge professionnel, Scribe a écrit plus de trois cent cinquante pièces et dominé le théâtre comique en France de 1820 à 1850. Pour mener de front tant d'œuvres, combiner tant d'intrigues et accumuler tant de moyens dramatiques, il eut de nombreux collaborateurs. Il reste avant tout un vaudevilliste, héritier de Lesage ; il reprend l'ancien vaudeville, genre jusque-là facile, dont la seule ambition est d'amuser au moyen des procédés les plus spontanés, et qui est transformé par lui en comédie sentimentale et brillante. Scribe est le premier maître dans l'art de construire une intrigue par un enchaînement de quiproquos comiques qui se développent avec clarté et logique. Il a aussi créé le suspense, dans sa façon de soutenir la curiosité du public jusqu'au dénouement. D'où un style de pièce qui va au-devant du spectateur et ne lui demande aucun effort. Tombant dans tous les conformismes pour s'approprier et flatter le monde aristocratique en même temps que la bourgeoisie dont le règne commence, il suit les courants de l'opinion et se plie au gré de ses caprices et de ses modes. Restent à déplorer son peu d'invention verbale, son style parfois douteux, son manque de relief dans la peinture des caractères. Art plus scénique que littéraire, dominé par l'imagination des situations et des coups de théâtre bienvenus. « Théâtre habile mais sans style » (Pierre Voltz)[...]

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