SHOEMAKER EUGENE (1928-1997)
L'astrophysicien et géologue Eugene Merle Shoemaker est décédé le 18 juillet 1997 des suites d'un accident de voiture lors d'un voyage consacré à la recherche d'impacts d'astéroïdes en Australie. Né le 28 avril 1928 à Los Angeles, il avait effectué ses études universitaires à l'institut de technologie de Californie (le Caltech) à Pasadena, puis à l'université de Princeton, où il soutint sa thèse de doctorat en géologie en 1960. Expert reconnu en tectonique, volcanologie et géochimie, il se distingua par une étude exhaustive du plateau du Colorado ; sa connaissance précise des cratères terrestres et lunaires lui permit de convaincre la communauté scientifique que le célèbre Meteor Crater de l'Arizona était dû à l'impact d'un astéroïde.
Éliminé des candidats astronautes en raison de ses médiocres performances aux tests physiques, il collabora longuement avec la N.A.S.A., en particulier pour le projet Apollo et fonda un Centre d'astrogéologie. Professeur au Caltech de 1969 à 1989, il fournit des données de première importance pour la compréhension du système solaire. Il montra par exemple comment les clichés des satellites de Jupiter faits par les sondes Voyager-1 et Voyager-2 permettaient de reconstituer l'histoire thermique et la variation de la dureté de la croûte externe des satellites galiléens Callisto et Ganymède. Il put également expliquer les variations de relief de Dioné, satellite de Saturne, et proposer une théorie vraisemblable de la formation catastrophique des anneaux planétaires par la collision d'un ou de plusieurs satellites préexistants avec un astéroïde.
Avec sa femme Carolyn, il utilisa pendant plusieurs années le télescope de Schmidt de 40 centimètres de l'observatoire du mont Palomar, en Californie, pour rechercher astéroïdes et comètes lors de l'observation de la région antisolaire aux alentours de la nouvelle lune. On leur doit ainsi la découverte de vingt-huit comètes et de plusieurs dizaines d'astéroïdes. La neuvième de ces comètes, découverte en collaboration avec David Levy (comète appelée Shoemaker-Levy 9), en orbite autour de Jupiter avec une période de deux ans environ, leur apparut sur une plaque photographique exposée le 24 mars 1993. Son aspect atypique en forme de barre fut bientôt expliqué : il s'agissait de vingt condensations presque parfaitement alignées, résultat des intenses forces de marée ayant détruit l'intégrité de la comète lors de son précédent passage à proximité immédiate de Jupiter, le 8 juillet 1992. La collision de ces fragments avec Jupiter en juillet 1994 permit à toute la communauté scientifique d'observer un cataclysme d'intensité record (correspondant à quelques dizaines de millions de fois l'énergie dispersée par la bombe d'Hiroshima). La sonde spatiale Galileo, le télescope spatial Hubble et les stations terrestres opérant à diverses longueurs d'onde ont pu suivre le développement des impacts, l'apparition des cratères et déterminer la composition atomique de la comète.
Le nom d'Eugene Shoemaker restera lié à cette première observation de la collision d'une comète avec une planète. On comprend désormais ce qu'il est convenu d'appeler l'« événement de la Toungouska », qui détruisit le 30 juin 1908 un vaste périmètre dans la forêt sibérienne, comme dû à l'onde de choc d'une telle collision dans la haute atmosphère terrestre. De nombreux scientifiques considèrent qu'un tel épisode cataclysmique fut à l'origine de l'extinction de nombreuses espèces biologiques, dont les dinosaures, sur Terre, au moment de la transition entre le Crétacé et le Tertiaire, il y a 65 millions d'années.
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
Classification
Média