VAKHTANGOV EUGÈNE (1883-1922)
La carrière d'Eugène Vakhtangov, metteur en scène russe, trop brève, fut marquée par deux créations qui firent date dans l'histoire du théâtre : Le Dibbouk d'An-ski (1921) et La Princesse Turandot de Gozzi (1922).
Élève de Stanislavski, il prend en 1914 la direction d'un groupe théâtral d'étudiants. Doué de grandes qualités pédagogiques, il développe les possibilités créatrices des ses élèves-acteurs, leur permettant de trouver la meilleure extériorisation de leurs dons. Son groupe théâtral, très solidement lié par son enseignement, deviendra le Troisième Studio du Théâtre d'art de Moscou (les Studios étaient de petits théâtres de recherche gravitant autour du Théâtre d'art de Stanislavski), puis, en 1926, en hommage posthume, le théâtre Vakhtangov. Il y monte Le Miracle de saint Antoine de Maeterlinck, puis La Princesse Turandot.
Parallèlement, il dirige, avec l'acteur Michel Tchekhov, le Premier Studio du Théâtre d'art, où il monte Rosmersholm d'Ibsen (1918) et Éric XIV de Strindberg (1921), pièce à laquelle il a consacré plus de trois cents répétitions.
Deux conceptions s'opposaient alors dans le théâtre russe : le naturalisme, la recherche de la vérité psychologique (Stanislavski) et ce qu'on appelait le « théâtre de la convention », c'est-à-dire la recherche de la théâtralité pure, illustrée par Meyerhold. Vakhtangov fait la synthèse de ces deux tendances. Comme Taïrov, il met au centre de son esthétique théâtrale le travail de l'acteur. La scène devient pour lui non plus une imitation de la vie, mais le lieu privilégié, à trois dimensions (il bannit les toiles peintes), où se meut le corps de l'acteur, où l'acteur est appelé à communiquer aux spectateurs ce que Vakhtangov appelle le « romantisme », l'émotion, le goût du sublime, de ce qui dépasse la froide réalité.
Les représentations de son Turandot éblouirent les spectateurs : les acteurs, en costumes modernes, se transformaient devant le public en personnages de la commedia dell'arte, grâce à quelques accessoires, quelques tissus légers, dont ils jonglaient avant de s'en revêtir ; les décors étaient changés à vue par des zanni, des valets de scène ; les déplacements, mi-gambades, mi-danses, étaient légers, aériens. Tout contribuait à donner l'impression d'une jubilation continue, d'une fête de théâtre pur. Vakhtangov ne put assister à son triomphe. Quelques mois plus tard, âgé de trente-neuf ans, il meurt d'un cancer à l'estomac.
Dans les quelques années de sa brève carrière de metteur en scène, son activité est inlassable : il crée le théâtre populaire du Kammeny Most à Moscou, dirige le studio Gunst, enseigne dans plusieurs écoles et prend la direction du théâtre hébraïque Habima, où il monte Le Dibbouk, spectacle assez proche de l'expressionnisme allemand, opposant naturalisme exacerbé et jeu quasi musical des comédiens : rythmes, danses, chants et balancements.
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Écrit par
- Daniel ZERKI : metteur en scène et dramaturge
Classification
Autres références
-
RUSSIE (Arts et culture) - Le théâtre
- Écrit par Béatrice PICON-VALLIN et Nicole ZAND
- 8 643 mots
...Vakhtangov et Mikhaïl Tchekhov (Le Grillon du foyer, d'après Dickens, 1914) deviendra en 1924 le Théâtre d'art II, dirigé par M. Tchekhov. Quant à Vakhtangov, acteur et metteur en scène, il ouvre en 1913 un Studio étudiant qui, baptisé en 1916 Studio Vakhtangov, deviendra en 1920 le Troisième...