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MONTALE EUGENIO (1896-1981)

Eugenio Montale - crédits : David Lees/ Corbis/ VCG/ Getty Images

Eugenio Montale

Le plus grand poète de l'Italie contemporaine, devant même Ungaretti et Quasimodo, Eugenio Montale est en tout cas celui qui a le plus constamment influencé tous les poètes italiens apparus de 1925 à nos jours. Poète mais aussi traducteur, critique littéraire, musical et d'art, chroniqueur, conteur plein d'humour, journaliste professionnel, musicien averti, peintre original, nommé en 1967 par le président Saragat sénateur à vie en reconnaissance de ses mérites artistiques et littéraires, conseiller à la télévision, prix Nobel (1975), bref, personnalité culturelle de premier plan, Montale, l'Européen, illustre d'une façon exemplaire ce que peut être, de notre temps, l'itinéraire spirituel d'un homme cultivé et sensible. Par la densité de sa pensée et la rigueur de sa parole, sa poésie constitue l'une des plus hautes expressions contemporaines de l'engagement poétique.

La Ligurie : les « Os de seiche »

Né à Gênes en 1896, Eugenio Montale fait des études classiques enrichies par de vastes lectures. Il se destine au bel canto, mais la mort de son vieux maître de chant, puis la guerre interrompent ces débuts. Montale est officier d'infanterie (1917-1918). Rentré à Gênes, il s'adonne à la critique littéraire et fait découvrir au public italien Italo Svevo, le romancier de La Coscienza di Zeno (1925, La Conscience de Zeno). La même année paraît, chez l'éditeur antifasciste Piero Gobetti, Ossi di seppia (Os de seiche) : le premier recueil d'un homme qui déclare n'avoir pas, au début, été bien sûr de sa vocation poétique deviendra vite le bréviaire poétique et moral de toute une génération. À cela, deux raisons, littéraire et politique, qui n'en font qu'une : tordant le cou à la rhétorique, jusqu'alors florissante avec les chantres nationaux Carducci (1835-1907) et D'Annunzio (1863-1938), qu'encourage le fascisme en pleine ascension, Montale fait découvrir, sur un ton de confidence presque hermétique, tout en laconismes et en silences, la vérité du monde. Une tristesse empreinte de gravité pèse sur le paysage ligure – les Cinqueterre, Monterosso al Mare, où Montale passe ses vacances dans la villa familiale –, aride, désolé, qu'animent seuls des oiseaux surprenants (huppe, vanneau), témoins d'une liberté impossible, et le flot méditerranéen, symbole de la pureté perdue après le drame de la fin de l'enfance, ce « père » avec qui le poète entretient une sorte de dialogue freudien. Ce monde muet – choses et mots réduits à l'essentiel : l'os de seiche – écrase le poète toujours plus solitaire comme sous une cloche de verre. La communication, difficile, ne peut s'y exprimer que par le refus : « ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne voulons pas », ou par l'espoir, symbolique peut-être, d'un sacrifice permettant l'évasion d'autrui : lucidité compatissante, pessimisme viril. Malgré une parenté lointaine avec l'intimiste G. Pascoli et les « crépusculaires » (G. Gozzano), ainsi qu'avec des poètes ligures comme Sbarbaro, le ton de Montale, fort différent de celui de ses contemporains néo-classiques (V. Cardarelli), totalement étranger aux outrances futuristes d'un Marinetti, n'appartient qu'à lui, dès les premiers poèmes (1916) ; mais il ne sera pas sans influence sur les poètes postérieurs (Mario Luzi, 1914-2005). La vaste culture anglo-saxonne (Shakespeare, Marlowe, Melville, Eliot) et française (Baudelaire, Mallarmé, Debussy, Bergson) de Montale explique ainsi cette différence radicale d'avec ses compatriotes : dès sa jeunesse, en une période de repli provincial de l'Italie sur elle-même, Montale est un Européen.

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé d'italien, maître assistant à l'université de Nice

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Eugenio Montale - crédits : David Lees/ Corbis/ VCG/ Getty Images

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  • ITALIE - Langue et littérature

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