PIE XII, EUGENIO PACELLI (1876-1958) pape (1939-1958)
La situation de l'Église catholique dans le monde à la fin du xxe siècle échappe largement à l'analyse immédiate, du fait que les interprétations qu'en donne le pape Jean-Paul II et les décisions qu'il prend dans l'ordre institutionnel ne sont pas encore inscriptibles dans la durée. L'élection en 1978 de ce pape polonais a été perçue comme un événement considérable, mais les innovations qu'elle impliquait sont loin d'avoir été recensées. Toute intelligence de ce pontificat doit s'inscrire dans le cadre d'une longue perspective et suppose une réflexion proprement historique sur les pontificats précédents, pour déterminer les références indiscutables des phénomènes de rupture ou de continuité qui qualifient la gestion par Jean-Paul II de la papauté. Les commentateurs de l'instant, catholiques ou non, tendent trop aisément en effet – par une spontanéité plus fervente que prudente – à valoriser d'apparentes nouveautés et à faire de la rupture un mérite. On l'a vu pour Jean XXIII à la mort de Pie XII. Puis pour Paul VI tout au long de son pontificat. Le très bref gouvernement de Jean-Paul Ier a été l'objet de spéculations similaires, sans que ce pape ait eu loisir de donner une preuve réelle de son vouloir. Quant à Jean-Paul II, son origine non italienne et son humeur voyageuse ont suffi, dans les premières années de son gouvernement, à justifier un qualificatif de « nouveauté » absolue, sans autre vérification.
Deux colloques consacrés l'un à Pie XII en 1982, l'autre à Paul VI en 1983 (celui-ci sous l'égide de l'École française de Rome) ont marqué l'entrée dans le domaine historique de l'étude de ces deux papes et l'abandon du style hagiographique employé jusqu'alors à leur sujet. Ainsi commence à s'élaborer la base objective de toute mise en place de l'histoire de l'Église depuis la fin du xixe siècle.
Eugenio Pacelli et le souci romain d'une présence politique
C'est, en ce qui concerne Pie XII, à la même échelle qu'il convient de mesurer son pontificat. Né en 1876, Eugenio Pacelli a été élu pape, en 1939, à l'âge de soixante-trois ans ; il a régné pendant la Seconde Guerre mondiale et la problématique de son action dans cette période a recouvert l'ensemble de son existence. Ses « silences » devant l' extermination des juifs, qui lui furent reprochés dès cette époque, ont alimenté en 1963 une très vive campagne provoquée par la pièce Le Vicaire, du dramaturge allemand Rolf Hochhuth. L'hostilité passionnée dirigée contre Pie XII à cette occasion semblait impliquer la profonde déception de l'avoir vu manquer au magistère moral que lui reconnaissaient même nombre de non-croyants et de non-catholiques. C'est peu dire que la réflexion historique n'y trouvait pas son compte, même si elle inspirait une triple explication de son comportement : la prudence excessive de son tempérament, la force de son anticommunisme et un progermanisme viscéral – le tout encouragé par l'indéniable tradition d' antisémitisme présente dans le catholicisme.
Il est devenu possible, par la suite, de mettre en lumière quelques éléments dont l'approfondissement devait nuancer ce jugement. La romanité d'abord, valeur essentielle et contestée, au moment où Eugenio Pacelli entra au service de la papauté. Depuis Clément X, mort en 1676, aucun pape n'avait été aussi « romain de Rome ». Sa famille n'a eu, depuis le début du xixe siècle, d'autre vocation que le dévouement au Saint-Siège dans la gestion de sa réalité temporelle. Elle a vécu fortement le drame de la fin du pouvoir après 1870 et les deux questions qu'il posait : le destin d'une Église dépourvue d'un territoire et renvoyée à sa fonction spirituelle ; la place des catholiques[...]
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Écrit par
- Jacques NOBÉCOURT : historien, journaliste honoraire
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