PIE XII, EUGENIO PACELLI (1876-1958) pape (1939-1958)
Le pontificat de Pie XII : une longue transition
Parcourant le monde en qualité de légat pontifical, de 1934 à 1938, Eugenio Pacelli, devenu secrétaire d'État et cardinal en 1929, ajoute à ces structures le prestige croissant d'une papauté dépouillée de sa mentalité d'assiégée et en voie de recueillir ce statut de référence morale incontestée que compromettait, un siècle auparavant, la réalité du pouvoir temporel. Lorsque, succédant à Pie XI, le cardinal Pacelli est élu pape, le 2 mars 1939, l'unanimité qui se fait autour de son nom dans l'opinion mondiale marque le parachèvement des nouvelles orientations.
Ses « silences » des années de guerre doivent être reconsidérés dans cet éclairage : il pense avant tout en juriste, mesurant les moyens de préserver ce qui, depuis Léon XIII, s'est formulé. Redoutant par-dessus tout l'éclatement du catholicisme allemand et la constitution d'une Église nationale, il évite des sanctions ecclésiastiques contre le peuple allemand et ses chefs, comportement qui aurait fait revivre l'ancienne conception d'un pape décidant du lien des sujets et des États. Il choisit de s'en remettre largement à l'épiscopat allemand.
Pie XII ne se comporte pas différemment après la guerre à l'égard de la France, de l'Italie et de la république fédérale d'Allemagne. La création de partis démocrates-chrétiens dans ces pays reste largement autonome. Dans le cas italien pourtant, l'intervention du Saint-Siège dans la vie politique se fait parfois manifeste. Reste à déterminer à quel degré le pape l'inspire ou la tolère.
Face aux idéologies, qu'il s'agisse du national-socialisme ou du communisme, Pie XII réagit comme ses prédécesseurs l'ont fait face aux idéologies héritières des Lumières. La condamnation doctrinale une fois prononcée, la stratégie se réduit à une tactique déterminée par les rapports de force, les événements, le nombre de catholiques détenus en otages par les régimes totalitaires. Le « prophétisme » dont on reprochera au pape vingt ans plus tard de n'avoir pas fait preuve n'appartient pas aux analyses du temps de guerre.
On ne saurait douter cependant de deux données : le drame personnel vécu par Pie XII lorsqu'il pèse les périls d'une proclamation de principes, voire d'un acte qui l'amènerait à se livrer lui-même en otage, en octobre 1943 ; l'ampleur de l'action caritative du Vatican, de ses interventions discrètes en faveur des dizaines de milliers de victimes préservées. La publication par quatre historiens jésuites, entre 1965 et 1981, d'une collection en douze volumes intitulée Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre mondiale ne laissait pas de doute à cet égard. Mais, à partir de 1965, les débats du « dialogue judéo-chrétien » achoppèrent sur « les silences de Pie XII ». En novembre 1998, le gouvernement israélien faisait de cette question un point de contentieux avec le Vatican en demandant un moratoire de cinquante ans pour le procès en béatification de Pie XII et l'ouverture des archives. Des historiens avaient insisté sur le caractère lacunaire et le choix arbitraire des documents publiés. Le Saint-Siège accepta la formation, en décembre 1999, d'une commission mixte de six membres, catholiques et juifs, pour les examiner en détail. Leur rapport rendu en octobre 2000 concluait en invitant le Vatican à autoriser le libre accès pour les chercheurs à l'ensemble des archives relatives à cette période. Le procès en béatification de Pie XII engagé comme celui de Jean XXIII par Paul VI fut suspendu au cours de l'été 2000 et remplacé par celui de Pie IX, lui aussi controversé.
Ainsi, de Pie IX à Jean-Paul II, le pontificat de Pie XII prend-il les proportions d'une longue transition[...]
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Écrit par
- Jacques NOBÉCOURT : historien, journaliste honoraire
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