EURO
Union monétaire, union bancaire
La création monétaire n’est pas l’apanage de la banque centrale : chaque fois qu’une banque commerciale accorde un crédit, elle crée elle aussi de la monnaie. Il peut dès lors paraître curieux que les concepteurs de l’union monétaire n’aient pas d’emblée incorporé tout le système bancaire dans leur projet. Il faut dire que l’union monétaire a été conçue à une époque où les interactions financières étaient encore limitées entre États. Par ailleurs, les grandes banques ont traditionnellement été protégées par leurs États d’appartenance qui y voyaient à la fois des « champions » nationaux et des sources de financement pour leurs déficits. La crise budgétaire de la zone euro, largement déclenchée par le renflouement en catastrophe de banques « trop grandes pour faire faillite », a remis en cause cette vision.
L’union bancaire mise en place à partir de 2014 comporte deux piliers principaux : un mécanisme de supervision unique (MSU) et un mécanisme de résolution unique (MRU).
Le MSU est composé de la Banque centrale européenne et des autorités nationales de supervision de la zone euro (en France, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), le mécanisme étant en principe ouvert aux vingt-huit États membres. La BCE est, depuis novembre 2014, le superviseur direct des 130 plus grandes banques, représentant 85 % des actifs bancaires de la zone euro. L’ensemble des autres banques font l’objet d’une supervision harmonisée, la BCE pouvant à tout moment prendre le contrôle direct de la supervision de telle ou telle d’entre elles. La BCE a intérêt à ce que le système bancaire de la zone euro soit en état de prêter à l’économie, et donc de relayer efficacement les impulsions de la politique monétaire. Elle a aussi intérêt à ce que les banques ne repoussent pas à des jours meilleurs la reconnaissance de leurs pertes sur des prêts non rentables en profitant des prêts à bon marché de la BCE. Mais la gouvernance du MSU est séparée de celle de la BCE, afin d’éviter par exemple que cette dernière ne renonce à relever ses taux d’intérêt de peur de mettre en péril une banque considérée comme « systémique » (c’est-à-dire, dont la faillite déclencherait des défauts en chaîne).
La tâche du MSU est de s’assurer que les banques dont il a la responsabilité ne prennent pas trop de risques au regard de leurs fonds propres et que les dépôts ne sont pas en péril. Le MSU s’appuie sur les régulations bancaires européennes, elles-mêmes inspirées des accords internationaux. Le MSU peut imposer à telle ou telle banque de renforcer ses capitaux propres, de se séparer d’une activité, voire de se restructurer entièrement, selon une grille d’analyse qui est homogène pour toutes les banques.
Le MRU, quant à lui, a pour objet d’organiser la restructuration des banques en difficulté. Il repose sur des règles de restructuration consistant à faire d’abord payer les actionnaires, puis de mettre à contribution les différentes catégories de créanciers avant de faire appel, en dernier recours, à de l’argent public (sachant que les dépôts inférieurs à 100 000 euros doivent de toute façon être garantis). Le recours aux actionnaires et aux créanciers devra, si nécessaire, représenter au minimum 8 % du passif de la banque concernée. Le MRU s’appuie sur un fonds de résolution bancaire qui sera abondé progressivement par des contributions des banques elles-mêmes, et graduellement mutualisé entre les États participants.
Un troisième pilier devrait à terme compléter l’union bancaire. Il s’agirait d’un mécanisme unique de garantie des dépôts bancaires, assurant la crédibilité parfaite des mécanismes d’assurance déjà en place au niveau des États.
Conclusion : Attention travaux ! L’unification monétaire européenne est un projet ambitieux et original[...]
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Écrit par
- Agnès BÉNASSY-QUÉRÉ : professeur à l'École d'économie de Paris, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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