EUROPE Diversité religieuse
Relative unification des règles et des pratiques
Cette unité relative provient d'abord du traité de Lisbonne qui a d'ailleurs conservé l'essentiel des dispositions antérieures en ce domaine : c'est ce qui est le plus connu et donc le plus critiqué. Mais la part la plus importante de ce travail d'unification revient aux juges européens dont la jurisprudence est moins connue, et donc moins discutée.
Ce que dit le traité de Lisbonne
Comme dans le Préambule du traité constitutionnel adopté le 18 juin 2004, les États membres déclarent s'inspirer : « des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l'égalité et l'État de droit » (Préambule du T.U.E.). Les mots ont un poids certain : la métaphore de l'héritage donne une consistance « substantialiste » à ce qui, en réalité, n'est qu'un processus toujours recommencé, et donc objet de controverses. La « tradition » est, comme le rappelaient dans un essai fameux Eric Hobsbawm et Terence Ranger, largement « inventée » et un enjeu permanent de luttes d'appropriation et de légitimation. La naturalité apparente de ces termes en fait un instrument propice à toutes les manipulations – en tout cas à des usages contradictoires. L'adoption, en tant que traité, de toute la Charte des libertés et des droits fondamentaux conclue à Nice (2000) redouble la difficulté, puisque le Préambule de cette Charte est la version « corrigée » par la délégation française imposant la référence au spirituel en lieu et place du religieux ; il y a ainsi deux Préambules, celui du traité et celui de la Charte, différents par leur expression et par leur inspiration : mais disent-ils des choses vraiment différentes ?
Si l'on regarde du côté des principes et des droits fondamentaux, les articles consacrés à la liberté de conscience et de religion sont d'une facture très classique. Le texte de la Charte énonce, à l'article 10, que « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. »
Cet article est, en réalité, la reprise au mot près de l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée en 1950. Il n'y a donc rien là de très nouveau. L'extrême précision de type anglo-saxon de cette définition de la liberté religieuse contraste avec la tradition française : à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, cette liberté n'apparaît qu'au titre de la liberté d'opinion, et comme une incidente : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. »
À propos des institutions religieuses, l'ancien article I-52 devenu l'article 31 du T.F.U.E. a été particulièrement médiatisé et a fait l'objet de combats vigoureux de la part des organisations laïques. Cet article était une reprise de la déclaration no 11 annexée au traité d'Amsterdam, en 1997. Il dispose :
« 1. L'Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres.
2. L'Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non[...]
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Écrit par
- Michel MIAILLE : professeur honoraire, faculté de droit de l'université de Montpellier-1
- Kathy ROUSSELET : directrice de recherche au Centre d'études et de recherches internationales (CERI), Sciences Po Paris
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