EUROPE Géographie
Nouveaux espaces européens
Deux phénomènes conduisent à réexaminer d'un œil neuf bon nombre de données de la géographie humaine de l'Europe : d'une part, la disparition du rideau de fer et l'éclatement du bloc soviétique en États indépendants, puis l'élargissement de l'UE à la plupart des pays d'Europe orientale ou balkanique ; d'autre part la mondialisation, qui touche, outre l'économie, tous les domaines de l'activité humaine et les organisations sociales et territoriales. La concurrence commerciale, intra-communautaire ou externe, a accéléré, bien plus que la révolution technologique, la mutation d'une économie de production, jusque-là très figée dans ses localisations, en une économie plus tertiarisée et plus flexible, qui relocalise ses activités à l'échelle du continent. La métropolisation, c'est-à-dire le renforcement et la concentration des pouvoirs financiers, économiques et décisionnels dans les principaux pôles urbains européens, et plus particulièrement sur ceux qui ont un poids mondial, n'est que l'aspect le plus visible de cette formidable réorganisation des espaces européens, qui se surimpose à l'ancienne. Celle-ci affecte moins l'Ukraine, la Biélorussie et la Moldavie, qui se rapprochent des autres États européens mais demeurent étroitement liés à la Russie. Moscou, après une période de transition très chaotique, a su réorganiser son espace économique et ses territoires et rétablir son influence sur la Communauté des États indépendants, organisation eurasiatique qui regroupe la plupart des pays de l'ex-URSS. Mais c'est fondamentalement dans le cadre de l'Union européenne que s'est construite une nouvelle Europe, non sans réveiller les tensions entre les deux sphères d'influence économique et politique que sont la Russie et l'UE, notamment en Ukraine.
Les territoires et la concurrence économique et sociale
Le libéralisme économique (qui fait reposer le développement sur les lois du marché), la « nouvelle économie » (s'appuyant sur les techniques de l'information et de la communication) et l'émergence d'une société postmoderne (fondée sur la compétition individuelle) ont des exigences de flexibilité et de performance qui ont sévèrement remis en cause les héritages de l'État providence ou du communisme. Le temps où les localisations industrielles dépendaient des considérations stratégiques des États ou des gisements de matières premières est révolu. À l'exemple de la sidérurgie – qui a glissé des bassins intérieurs de charbon ou de fer (Lorraine, Midlands) vers des sites littoraux (Dunkerque, Tarente) importateurs de matières premières, menacés à leur tour par les installations indiennes, coréennes ou brésiliennes –, les anciennes spécialisations industrielles des territoires résistent mal aux stratégies internationales des grands groupes, sans attachement territorial particulier, et de fonds d'investissement, sur lesquels les États, auparavant très impliqués dans la conversion économique des régions en crise, ont peu de prise. Dans ces stratégies, la question de la localisation de l'outil de production est totalement subordonnée aux critères de rentabilité : pénétration de nouveaux marchés, abaissement des coûts de fabrication, retour immédiat sur investissement. Jusque dans les années 1980, les atlas n'hésitaient pas à proposer des cartes industrielles, car elles étaient relativement stables ; depuis lors, ils ne proposent plus que frileusement des cartes économiques, et encore sous forme théorique, car elles sont en remaniement constant.
Les cartes des emplois, du chômage et des revenus présentent en revanche des configurations durables aux échelons régionaux, car les populations sont davantage ancrées dans les territoires. Les[...]
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Écrit par
- Jacqueline BEAUJEU-GARNIER : professeure à la faculté des lettres et sciences humaines de l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
- Catherine LEFORT : docteure en géographie
- Pierre-Jean THUMERELLE : professeur des Universités, université des sciences et technologies de Lille (Lille-I)
Classification
Médias
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