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EUROPE Histoire de l'idée européenne

Le drame de l'Europe (1920-1945)

La guerre, a dit Romain Rolland en septembre 1914, est un « crime contre l'Europe ». De fait, la guerre, les traités, l'après-guerre sont le signe de son déclin. La guerre, parce que les Européens s'entre-tuent, se ruinent et ont besoin de l'intervention américaine pour trancher leur épuisante querelle. Les traités, parce que le président américain Wilson y impose la substitution d'un organisme mondial, la Société des Nations, au vieux « concert européen » générateur de guerre. L'après-guerre, parce que rien n'est fait pour empêcher le nationalisme allemand de chercher une revanche. La Russie, devenue bolchevique en 1917, est tenue à l'écart et ne cache d'ailleurs pas qu'elle veut détruire les régimes bourgeois. Une terrible crise économique, de 1929 à 1933, achève de renfermer les peuples d'Europe dans un égoïsme peureux, ou suscite des régimes de violence, en particulier celui de Hitler, qui arrive au pouvoir le 30 janvier 1933.

Les intellectuels et le déclin de l'Europe

De ce déclin, tout le monde est conscient. C'est le « crépuscule de la civilisation », écrit Jacques Maritain. Des hommes aussi divers que Jules Romains, Julien Benda, Henri Massis, Pierre Drieu La Rochelle, Lucien Romieu en France, Huizinga aux Pays-Bas, Guglielmo Ferrero en Italie, Ziegler dans les pays de langue allemande, sir Arthur Salter et Hilaire Belloc au Royaume-Uni décrivent la décadence et, pour la plupart, ne voient le salut que dans une union européenne.

Mais, sur le plan politique, on a des vues moins larges. Certes, Aristide Briand parle, en juillet 1929, d'« États-Unis d'Europe », et tente, en 1929-1930, de créer « une sorte d'union fédérale » des vingt-sept États européens membres de la S.D.N. Mais en aucun cas, dit-il, les États ne perdront leur souveraineté. Et d'ailleurs, si modeste soit-il, son projet échoue, principalement devant les résistances anglaises. De même, le comte Coudenhove-Kalergi, diplomate autrichien, lance l'idée d'une « Paneurope » qui groupe de nombreux parlementaires. L'avènement de Hitler balaie tous ces efforts.

L'« Europe nouvelle » de Hitler

Comme Napoléon, Hitler s'est lancé à la conquête de l'Europe. Comme lui, il l'a contrôlée pendant une période brève aux yeux de l'historien, interminable pour ceux qui en ont souffert. Mais la ressemblance s'arrête ici. Napoléon n'a pas exécuté six millions de juifs. L'Europe de Hitler, dont les ressources et les hommes étaient exploités par la machine de guerre nazie, était conçue comme une pyramide dominée par le Grand Reich allemand de cent millions d'habitants, supérieur aux autres peuples. À ses côtés, des alliés qui sont surtout des satellites. En dessous, des vaincus, occupés par la Wehrmacht. Puis viennent les protectorats ou gouvernements généraux de Bohême, de Pologne, des territoires de l'Est, habités par la race inférieure des Slaves et constituant le Lebensraumou espace vital. Plus bas encore, les juifs, systématiquement exterminés.

C'est au nom de l'« Europe nouvelle » que Hitler lança la « croisade antibolchevique ». Les Allemands, dit-il, seront « capables de fournir à toute l'Europe sa classe dirigeante [...] Les générations qui nous suivront accepteront certainement l'unification de l'Europe que nous sommes en train d'accomplir. »

Mais l'Europe de l'esclavage conçue par Hitler fut vaincue par les Alliés et par la résistance des peuples. Il faut noter que, parmi des préoccupations plus immédiates, les mouvements de résistance occidentaux élaborèrent pour l'avenir divers projets d'union dont le plus remarquable fut un « Projet de déclaration des résistances européennes » (1944) prévoyant « une union fédérale entre les peuples européens[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
  • : professeur émérite des Universités, Institut d'études politiques de Paris

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Jean Monnet, 1947 - crédits : Bert Hardy/ Getty Images

Jean Monnet, 1947

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