EUROPE Histoire de l'idée européenne
L'Europe depuis 1945
L'impératif de la réconciliation
Si la notion d'unité européenne ne s'est pas trouvée totalement discréditée durant cette période des plus sombres, c'est que, dès avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, une tout autre conception s'est développée. Ainsi, le 7 juillet 1944, à Genève, une Déclaration des résistances européennes appelait à la création d'une union fédérale et disait notamment : « Seule une union fédérale permettra la participation du peuple allemand à la vie européenne sans qu'il soit un danger pour les autres peuples. » Les signataires étaient des résistants du Danemark, de France, d'Italie, de Norvège, des Pays-Bas, de Pologne, de Tchécoslovaquie et de Yougoslavie. Parmi les militants présents, il y avait des Allemands qui combattaient le nazisme. En août 1947 naissait à Montreux l'Union européenne des fédéralistes, qui allait s'incarner surtout dans trois personnalités : l'Italien Altiero Spinelli, qui sera l'initiateur de textes constitutionnels au Parlement européen de Strasbourg, sortait des prisons de Mussolini ; l'Allemand Eugen Kogon, qui avait souffert plusieurs années dans le camp de concentration de Buchenwald ; et le Français Henri Frenay, qui avait été le principal chef du mouvement de résistance Combat. Plusieurs années avant le trio Konrad Adenauer-Alcide De Gasperi-Robert Schuman, ils se fondaient sur l'idée d'une coresponsabilité transnationale pour le développement de la démocratie libérale.
Avant même la naissance de leur mouvement, la nouvelle Constitution française de 1946 était allée dans le même sens. Le Préambule (toujours en vigueur aujourd'hui et devenu référence constante du Conseil constitutionnel), parlait en effet, dès son premier alinéa, de la victoire remportée « sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine ». En 1919, on aurait écrit « sur les peuples » ou « sur les nations ». C'est que les anciens déportés à Dachau ou à Buchenwald savaient que ces camps de concentration avaient certes été créés par des Allemands, mais aussi pour des Allemands, tandis que le peuple de France n'avait pas été unanimement résistant. Les premiers échanges franco-allemands se sont faits à partir de l'idée d'une coresponsabilité française pour le développement démocratique du pays vaincu. En ce sens, les célèbres rencontres de Gaulle-Adenauer dans la cathédrale de Reims et Kohl-Mitterrand à Verdun ont assurément été porteuses d'une forte charge symbolique et affective, mais il y avait en quelque sorte erreur de symbole. On paraissait ainsi seulement célébrer la réconciliation manquée après la première guerre, alors qu'il s'agissait aussi et surtout de commémorer la victoire sur un totalitarisme qui avait frappé les deux peuples. La messe et la poignée de mains auraient dû avoir lieu à Dachau, Buchenwald se trouvant à l'époque en Allemagne de l'Est.
Souvent, on attribue l'idée première d'une union politique de l'Europe à Winston Churchill et à son célèbre discours de Zurich, prononcé le 19 septembre 1946. Il y disait en effet : « Nous devons créer un genre d'États-Unis d'Europe. » Mais s'il affirmait bien que « le premier pas de la reconstitution de la famille européenne doit être une association entre la France et l'Allemagne », qui devraient « prendre la direction ensemble », il précisait que le Commonwealth britannique formait une autre entité, de même espèce que les États-Unis d'Amérique et que l'Union soviétique. L'absence britannique de l'Europe communautaire ne sera comblée qu'en 1973 – et encore de façon assez incertaine.
La politique gouvernementale française de l'immédiat après-guerre n'allait[...]
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Écrit par
- Jean-Baptiste DUROSELLE : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
- Alfred GROSSER : professeur émérite des Universités, Institut d'études politiques de Paris
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