EUROPEAN XFEL (laser européen à électrons libres et à rayons X)
Le résultat de l’addition de plusieurs technologies avancées
Le XFEL s’étend sur deux communes : le générateur d’électrons est situé sur le campus de Desy, à Hambourg, et les laboratoires et l’administration près de la ville de Schenefeld, dans le Schleswig-Holstein. Un tunnel de 3,4 kilomètres, creusé entre 6 et 38 mètres de profondeur, relie les deux sites. Dans ce tunnel sont placés la source d’électrons, l’accélérateur linéaire supraconducteur, l’ondulateur et les faisceaux à l’extrémité desquels se trouvent les détecteurs utilisés dans les expériences. Les électrons injectés à une énergie de 125 millions d’électrons-volts (MeV) sont progressivement accélérés dans un accélérateur linéaire long de 2,1 kilomètres, par passage dans une série de cavités résonantes supraconductrices, jusqu’à atteindre l’énergie de 17,5 gigaélectron-volts (GeV). Ce faisceau d’électrons relativistes (dont la vitesse est voisine de celle de la lumière) passe alors dans un jeu de champs magnétiques intenses appelé ondulateur, où les électrons sont contraints de suivre des trajectoires courbes. Ils perdent alors une partie de leur énergie pour émettre des rayons X dans une gamme de longueurs d’onde allant de 0,05 à 4 nanomètres. L’interaction des rayons X avec les électrons dans un dispositif suivant, dit d’amplification autonome (self-amplifiedspontaneousemission process, ou SASE), produit des salves de rayons X (jusqu’à 27 000 par seconde). In fine, la haute énergie des électrons permet de produire des rayons X de longueur d’onde très courte et par ailleurs modulable, permettant l’observation des atomes ; la brillance (nombre de photons pour une longueur d’onde donnée) peut atteindre un niveau un milliard de fois plus grand que dans le cas d’un rayonnement synchrotron (10 000 en service courant), ce qui facilite la détection des signaux ; les pulses sont de durée très faible, de l’ordre de 100 femtosecondes (1 fs = 10–15 s), ce qui est compatible avec la cinétique d’une réaction chimique ou enzymatique. Des équipements de détection spéciaux ont été construits comme le FXE (Femtosecond X-Ray Experiments) pour étudier les réactions rapides, et le SPB/SFX (Single Particles, Clusters and Biomolecules and Serial Femtosecond Crystallography) pour les études de structure. La première expérience consiste précisément à décoder le fonctionnement au niveau atomique d’une enzyme, dont la réaction est initiée par un pulse bref de lumière, couplé au déclenchement du faisceau de rayons X. D’autres équipements de type XFEL mis au point auparavant, mais de puissance beaucoup plus faible, avaient déjà bouleversé, à partir de 2012, des pans entiers de la biologie structurale. Il s’agissait en particulier de l’étude des protéines insérées dans les membranes biologiques ou de complexes d’enzymes, comme le cœur photosynthétique des chloroplastes. On s’attend donc avec l’European XFEL à un approfondissement de ce type de résultats en passant au niveau atomique. Mais surtout, l’appareil donne la possibilité d’études cinétiques également au niveau atomique, ce qui est en soi une véritable percée.
Robert Feidenhans’l, physicien danois et président du comité de gestion de l'European XFEL depuis le 1er janvier 2017, indique que c’est un peu comme si l’on disposait d’une caméra couplée à un microscope capable de voir les atomes. L’image utilisée par ce chercheur est simple : elle évoque les immenses possibilités expérimentales ainsi offertes. Pour réaliser ces projets, on dispose en septembre 2017 de deux postes expérimentaux seulement, l’un équipé pour les études cinétiques, l’autre pour les études de structure. Il est prévu de passer à dix. Comme pour tout grand équipement, le temps de faisceau alloué à une équipe sera lié à l’importance scientifique accordée à l’expérience envisagée.[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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Médias