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LANGLOIS EUSTACHE HYACINTHE (1777-1837)

« Je désirais mettre à la suite de saint Julien le vitrail de la cathédrale de Rouen ; il s'agissait de colorier la planche qui se trouve dans le livre de Langlois, rien de plus. Et cette illustration me plaisait précisément parce que ce n'était pas une illustration, mais un document historique. En comparant l'image au texte, on se serait dit : „Je n'y comprends rien. Comment a-t-il tiré ceci de cela ?“ » Ce n'est pas le moindre mérite d'Eustache Hyacinthe Langlois que d'avoir attiré l'attention de Flaubert sur le vitrail qui devait lui inspirer l'un des Trois Contes, « La Légende de saint Julien l'Hospitalier ».

Le buste de David d'Angers offert en 1838 à la ville de Rouen par le comité de souscription au monument Langlois porte cette inscription : « À E. H. Langlois né à Pont-de-l'Arche le 3 août 1777, peintre, graveur, archéologue, la Normandie reconnaissante. » Cet homme reste en effet un érudit local, l'animateur des sociétés savantes de Rouen, un pionnier de la découverte des antiquités normandes du Moyen Âge, sur lesquelles il publia, sur place, une série de livres illustrés de lithographies ou de gravures sur bois, avec l'aide de sa fille Espérance et de son fils Polyclès (graveurs attachés par la suite à la manufacture de Sèvres) : Recueil de quelques vues de sites et monumens de France, spécialement de Normandie (1817), Mémoire sur la peinture sur verre et sur quelques vitraux remarquables des églises de Rouen (1823, c'est le volume consulté par Flaubert), Notice sur le tombeau des Énervés de Jumièges (1825), Essai historique et descriptif sur l'abbaye de Fontenelle et de Saint-Wandrille(1827, seul livre édité à Paris)...

Fils d'un officier royal des Eaux et Forêts, il fut dès sa jeunesse sensible à la notion romantique du « site » pittoresque qui ancre le monument dans son histoire et dans un paysage. Après son passage à Paris, dans l'atelier de David, il prit part au mouvement de la gravure sur bois de bout romantique, représenté à Rouen par son ami Brevière. Son style de graveur était sec et documentaire, mais ce curieux, dont la devise était « Un peu de tout, rien en somme », était fasciné par les thèmes médiévaux les plus romantiques, comme la danse macabre, qu'il découvre sculptée dans l'ancien charnier de l'aître Saint-Maclou (Essai historique, philosophique et pittoresque sur les danses des morts, posthume, 1851), le grotesque des « miséricordes » (Stalles de la cathédrale de Rouen, posthume, 1838) ou le tombeau des Énervés de Jumièges qui ont inspiré à Luminais un tableau rendu célèbre par sa reproduction dans Le Petit Larousse illustré. Il traite en général ces thèmes fantastiques ou mélancoliques d'un dessin au trait, de facture néo-classique, qui n'est pas sans évoquer Flaxman. Mais, parfois, une veine frénétique égratigne ses eaux-fortes, qui campent la Normandie comme la province d'un romantisme noir qui se perpétue jusqu'au symbolisme de la fin du siècle : c'est ce que ne dément pas l'œuvre d'aquafortiste de Béjot ou les livres de Barbey d'Aurevilly, qui sont d'une certaine manière les héritiers, en basse Normandie, de cet étrange personnage, auquel on doit l'invention de l'expression « gothique flamboyant ».

— Ségolène LE MEN

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Écrit par

  • : professeur des universités, membre de l'I.U.F., professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-ouest Nanterre-La Défense

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