LE SUEUR EUSTACHE (1616-1655)
Le style sévère (1645-1650)
En 1644 ou 1645, Le Sueur est reçu maître dans sa corporation avec un Saint Paul exorcisant un possédé (perdu, connu par la gravure), qui témoigne d'une orientation nouvelle, au contact des modèles fournis par Raphaël et ses graveurs, et par Nicolas Poussin (qui venait de séjourner à Paris en 1640-1641). En 1645, il reçoit la commande d'une série de vingt-deux tableaux relatant la Vie de saint Bruno, destinée au petit cloître de la Chartreuse de Paris (achetée par Louis XVI en 1776, elle se trouve aujourd'hui au Louvre). Aidé de quelques collaborateurs, il y travaille pendant trois ans durant lesquels il s'éloigne définitivement de la manière de Vouet. Son inspiration se fait plus austère, son style plus rigoureux. Les compositions très méditées, auxquelles se rattachent de nombreuses études dessinées d'ensemble et de détails, deviennent logiques. La perspective est soigneusement observée. Les personnages noblement drapés et leurs gestes pleins d'autorité acquièrent une expressivité nouvelle. Moins chatoyant, le coloris participe à l'organisation du tableau. Cette tendance est plus généralement celle de la peinture parisienne des années 1640-1650, moment où se constitue l' Académie royale de peinture et de sculpture (dont Le Sueur est l'un des membres fondateurs) et où des discussions théoriques sur l'art commencent à se faire jour. Un « retour à l'ordre » se dessine, comme le montre clairement Saint Paul prêchant à Éphèse, peint en 1649 pour Notre-Dame de Paris (Louvre), grande composition pyramidale, forte et claire.
Le peintre travaille alors sans relâche pour une riche clientèle privée, qui fait décorer ses demeures parisiennes. Il multiplie les sujets tirés de la Bible ou de l'histoire ancienne : Histoire de Tobie pour Gaspard de Fieubet (1645-1647, fragments au Louvre, au musée de Grenoble et dans une collection privée) ; Alexandre et le médecin Philippe pour Jérôme de Nouveau (1648, perdu, gravé) ; Darius faisant ouvrir le tombeau de Nitocris pour M. Vedeau de Grandmont (1649, Ermitage, Saint-Pétersbourg). Son inspiration sait se faire plus aimable dans l'hôtel du financier Lambert de Thorigny. Il y décore le Cabinet de l'Amour (1646-1648, tableaux aujourd'hui au Louvre et panneaux de grotesques dans des collections privées), ensemble précieux où les peintures mythologiques se détachaient sur une riche ornementation. Il excelle également dans la décoration de chapelles et d'oratoires privés : monumentale Résurrection de Tabithe par saint Pierre pour l'église Saint-Étienne-du-Mont (1647, aujourd'hui à l'Art Gallery of Ontario, Toronto), ou délicate Annonciation pour l'hôtel du président Brissonnet (1650, Art Museum, Toledo, États-Unis).
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Écrit par
- Alain MÉROT : professeur des Universités
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Médias
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