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EUTHANASIE

Le régime pénal français

En France, le législateur a jusqu'à présent refusé de débattre de l'euthanasie. Celui-ci fut en effet saisi à plusieurs reprises de propositions élaborées notamment par l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (A.D.M.D.) qui milite pour la légalisation de l'euthanasie active et la reconnaissance de la validité d'un « testament de vie ». Ce document, signé par la personne concernée, comprend non seulement son refus de l'acharnement thérapeutique, mais également une demande d'euthanasie active. Ces propositions furent toutes rejetées. De même, la question n'a pas été abordée dans le cadre des lois dites de bioéthiques de 1994 et ne l'est pas non plus dans les projets de sa révision.

L'euthanasie active est donc, en l'absence de texte spécifique, susceptible de recevoir principalement deux qualifications pénales, celles de meurtre ou d'assassinat. L'article 221-1 du Code pénal définit le meurtre comme « le fait de donner volontairement la mort à autrui ». Il est puni de trente ans de réclusion criminelle. Au surplus, le Code pénal prévoit que l'accomplissement du meurtre peut être accompagné de circonstances aggravantes qui alourdiront la peine. C'est le cas lorsqu'il est perpétré sur une personne « dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur » (article 221-4 du Code pénal), des circonstances qui trouvent à s'appliquer évidemment au malade sur lequel aura été pratiquée une euthanasie. Lorsque le meurtre est accompli avec préméditation, il est qualifié d'assassinat (article 221-3 du Code pénal), crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité.

L'indifférenciation avec laquelle le droit pénal traite celui qui aura pratiqué une euthanasie et celui qui aura obéi à la seule pulsion meurtrière paraît inadaptée, au point que certains auteurs dont E. Dunet-Larousse (1998) doutent même que l'euthanasie puisse être qualifiée pénalement. Reste que les mobiles n'ont pas d'effets sur la qualification pénale de meurtre. L'application de ce principe est cependant nettement tempérée par les règles de fonctionnement des cours d'assises : celles-ci n'ayant pas l'obligation de motiver leurs décisions, les jurés sensibles à la compassion qui anime l'auteur de l'euthanasie en tiennent compte pour fixer la peine prononcée. De surcroît, les minima des peines ont disparu lors de la dernière réforme du Code pénal. Ces deux éléments conjugués permettent aux jurys populaires, tout en retenant la qualification de meurtre ou d'assassinat, de sanctionner celui-ci d'une peine si légère qu'elle revient à signifier que l'euthanasie n'est pas un meurtre comme les autres et qu'elle bénéficie d'une relative acceptation par l'opinion publique. C'est ce qui ressort effectivement de l'examen des décisions des cours d'assises et des instances disciplinaires de l'Ordre des médecins (il faut relever que le contentieux reste exceptionnel par rapport au nombre supposé d'actes d'euthanasie avancé par certaines études).

À l'instar des pays étrangers, y compris ceux qui ont adopté les positions les plus permissives, l'euthanasie dite active reste donc, en France, un acte assimilé au meurtre. En revanche, la qualification juridique des actes d'arrêt de traitements, désignés par l'expression imprécise et tendancieuse d'euthanasie passive, est plus délicate. Son évocation est en tout cas indissociable du droit au refus de soin et de la récente prise en charge médicale de la douleur.

La lutte contre la douleur et l'accompagnement du mourant font[...]

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