JOLY EVA (1943- )
La franco-norvégienne Eva Joly, née Eva Gro Farseth à Oslo le 5 décembre 1943, fut d'abord, avant d'entrer en politique, une magistrate française dont la carrière atypique connut un point d'orgue avec l'instruction de l'affaire Elf dans les années 1990. Cette affaire a fait d'elle l'un des principaux protagonistes du combat juridique et de la révélation médiatique des formes de corruption des élites économiques et politiques en France. Députée européenne de 2009 à 2019, Eva Joly a souhaité continuer ce combat contre la délinquance financière et pour l'indépendance de la justice, dans l'arène parlementaire cette fois.
Fille d'un fournisseur pour l'armée norvégienne, éduquée au sein d'un milieu protestant, la réussite scolaire socialement inespérée d'Eva Joly la pousse à choisir par défaut des études littéraires qui l'amènent à effectuer un séjour linguistique de six mois à Paris en 1964. Celui-ci se transformera en point de départ d'une vie familiale et professionnelle entièrement dévolue à la France jusqu'en 2002. À la fin des années 1960, mariée à un étudiant français en médecine bientôt installé dans l'Essonne, elle vit d'abord de son travail de secrétaire. Elle donne naissance à son premier enfant au moment même où elle reprend des études de droit en suivant des cours du soir. L'obtention d'une licence la conduit ensuite à travailler, de 1973 à 1981, en hôpital psychiatrique en tant que conseillère juridique. Après la réussite d'un concours exceptionnel d'accès à la magistrature en 1981, Eva Joly entame une deuxième carrière à près de quarante ans, dans un métier essentiellement exercé par des gens plus jeunes qu'elle et passés par l'École nationale de la magistrature. D'abord substitut du procureur au parquet, à Orléans de 1982 à 1984 puis à Évry jusqu'en 1989, elle se consacre essentiellement à la justice des mineurs ainsi que, plus marginalement, aux affaires du parquet financier. En 1990, cherchant à échapper à la « justice au jour le jour », elle obtient un détachement à la direction du Trésor à Bercy, au service du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI).
Ici débute non seulement sa troisième carrière mais plus fondamentalement sa seconde vie publique et intellectuelle. Entrée comme simple magistrate conseillère, elle est la secrétaire générale adjointe du CIRI au moment où elle obtient une mutation comme juge d'instruction à la « galerie financière » du tribunal de grande instance de Paris – où elle siégera de 1993 à 2002. Au sein d'un cabinet devant instruire en dix ans près de soixante affaires, une la retient particulièrement : celle qui la mène aux comptes de l'entreprise pétrolière Elf et, conséquemment, à ceux des hommes publics suspectés et pour la plupart bientôt condamnés pour abus de biens sociaux (l'ancien ministre Roland Dumas – le seul qui bénéficiera d’une relaxe en appel – et trois dirigeants du groupe, Loïk Le Floch-Prigent, Alfred Sirven et André Tarallo). Par cette affaire politico-médiatique menée de 1994 à 2002 (où elle collabore avec deux autres juges d'instruction, Laurence Vichnievsky et Renaud Van Ruymbeke), Eva Joly revendique également, bien que critiquée sur ce point – par des journaux comme le Nouvel Observateur, par l'Ordre des avocats, par la ministre de la Justice de l'époque Élisabeth Guigou –, l'utilisation de méthodes peu courantes en matière de droit pénal des affaires : perquisitions en 1997 au siège social d'Elf comme au domicile du président du Conseil constitutionnel Roland Dumas, détentions provisoires, mandats d'arrêt internationaux (contre Alfred Sirven, en 2001). Conseillère du gouvernement norvégien à partir de 2002,[...]
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Écrit par
- Thomas MARTY : doctorant en science politique à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, chargé de cours à l'université de Strasbourg
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