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JOSPIN EVA (1975- )

L'artiste française Eva Jospin, née en 1975 à Paris, s’est fait connaître par ses sculptures de carton qui sont autant de trompe-l’œil monumentaux et poétiques. Après avoir étudié brièvement l’architecture, elle rejoint l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Auprès de Pierre Carron (1932-1922) – peintre dont l’approche est jugée souvent archaïque en cette fin des années 1990 –, elle peint d’après nature et s’initie aux recettes du travail d’atelier. Fraîchement diplômée (2002), elle se détourne de la peinture pour la sculpture, une pratique dont elle ignore tout.

Sculpter le carton

Se pose alors, de façon très pragmatique, la question des coûts des matériaux, par exemple le bronze ou la pierre, qu’implique la pratique de la sculpture. Eva Jospin choisit très vite d’y répondre en optant pour une grande économie de moyens ; elle réalise ainsi de petits dioramas de papier dans lesquels elle réemploie des coupures de presse. Pour plusieurs d’entre eux, elle choisit comme arrière-plan des images de forêt. Elle récupère alors des cartons de déménagement et épure ces dispositifs pour ne garder que le motif sylvestre avant de changer d’échelle, très intéressée par la monumentalité. De sorte que, dès ses premiers essais de carton collé et découpé, elle crée une pièce carrée de 3 mètres de côté.

Ce matériau présente aux yeux de l’artiste de nombreuses vertus. Il est économique et facilement accessible. S’il est produit industriellement, il a cependant la particularité de provenir des arbres, thème originel et privilégié de ses installations. Pendant de longues semaines, travaillant la pauvreté du matériau, elle y cisèle, coupe, assemble et ponce des futaies étroitement intriquées. Cette méticulosité, qui frôle la fioriture, est contrebalancée par l’absence de feuillage qui teinte l’ensemble d’une atmosphère ombreuse, inquiétante. La matière et son travail par strates successives font écho à la singularité de la forêt, où cohabite depuis des millénaires une multitude d’espèces, animales et végétales. Mais c’est surtout la forêt comme cosa mentale (« chose mentale »), lieu de fantasmes et source de peurs archaïques – des mythes aux contes de fées – qui occupe l’artiste.

Entre 2001 et 2004, les premières expositions personnelles d’Eva Jospin sont organisées à Rome ainsi qu’à Jakarta. Il lui faut toutefois attendre le début de la décennie suivante pour que son travail suscite un intérêt plus large jusqu’à rencontrer un important succès. En effet, au musée de la Chasse et de la Nature (Paris), en 2010, La Forêt, première œuvre de l’artiste acquise par une institution, fascine par sa densité. Trois ans plus tard, une « carte blanche » à la manufacture des Gobelins est l’occasion pour elle de présenter une autre forêt, plus étendue encore (3,50 m de hauteur × 7 m de longueur).

Petit à petit, Eva Jospin modifie radicalement le rapport du spectateur à l’œuvre. À ces sculptures en bas-relief impossibles à pénétrer succèdent des installations qui incitent à la déambulation. Elle enrichit également l’iconographie de ses œuvres en réalisant des architectures rêvées (grotte artificielle, cénotaphe, temple, etc.), puisées dans la tradition du jardin italien et des parcs des xviiie et xixe siècles. Au même titre que les folies – ces caprices architecturaux qui permettaient de créer des points de vue inédits sur le paysage environnant –, l’artiste offre au spectateur plusieurs perspectives sur l’œuvre. Ainsi, en 2016, elle investit la cour carrée du Louvre avec Panorama, une installation immersive d’ambition inédite, en hommage aux tableaux circulaires des xviiie et xixe siècles qui conviaient le public à embrasser du regard des paysages panoramiques. À l’extérieur de Panorama, des parois en acier polimiroir[...]

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Écrit par

  • : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure

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