ÉVALUATION DE LA RECHERCHE
Partout dans le monde, les décideurs et les citoyens considèrent la recherche comme une activité d’une importance cruciale pour la puissance économique et le rayonnement culturel de leur pays. C’est vrai pour le secteur public, où tous les responsables politiques affirment mettre la recherche et l’éducation au cœur de leur projet politique. C’est vrai également pour le secteur privé, où les entreprises font de leurs dépenses de recherche et développement (R&D) un argument fort de communication en direction des investisseurs. C’est vrai enfin dans la société au sens large, où les enquêtes montrent que la demande de recherche et la confiance dans les chercheurs restent fortes.
En parallèle, l’élévation du niveau scolaire favorise la curiosité pour le travail des chercheurs et leurs résultats. Ainsi, on trouve, dans la rubrique « Science » de Google actualités, de plus en plus d’articles qui, au milieu d’informations liées à de nouveaux produits, rendent compte de résultats scientifiques présentés lors de congrès entre spécialistes. On trouve dans les médias grand public des articles qui mettent en scène l’histoire des découvertes, souvent racontée par les protagonistes, qui expliquent à quoi elles pourront servir... Enfin, les success-stories de jeunes découvreurs devenus riches et puissants évoquent l’image de la recherche comme le dernier Eldorado.
La nécessité d’une évaluation de la recherche
Ainsi, la recherche n’est plus vue comme une dépense plus ou moins nécessaire, mais comme un investissement porteur de développements futurs. En même temps, elle est perçue par les investisseurs comme à la fois coûteuse et ésotérique : rien d’étonnant à ce que la demande d’évaluation explose. Ces évaluations peuvent être demandées par une fondation ou un ministère, pour décider à quels projets ou programmes allouer les subventions – alors même que les différents projets soumis semblent tous susceptibles d’apporter d’utiles résultats. Pour une institution de recherche, il s’agit de financer en priorité les individus ou les équipes les plus influents dans leur domaine, ou bien montrer aux bailleurs de fonds qu’elle tient une place visible dans la production internationale. Quant au responsable politique, il devra montrer que son action en faveur de la recherche a eu des effets tangibles. Enfin, on demandera à des chercheurs de sélectionner de jeunes collègues dans leur domaine, pour les recruter ou financer leurs travaux.
Dans ce contexte, on peut distinguer une évaluation scientifique « par les pairs » et une évaluation de la science à visée « gestionnaire ». La première est consubstantielle à la démarche scientifique. Elle n'intègre pas obligatoirement des indicateurs quantitatifs, et elle vise à élaborer un jugement complexe sur la « valeur heuristique » d’un travail de recherche en confrontant des avis d’experts. La seconde est destinée à préparer une décision, le plus souvent d'investissement. Dans ce type de décision, où l’on doit arbitrer entre différents choix de dépenses, on s’appuie souvent sur des chiffres qui vont aider à projeter ce qu’on peut attendre de tel ou tel de ces choix.
Cependant, la recherche est une activité particulièrement difficile à planifier, puisqu’elle est destinée à créer des connaissances nouvelles, dont ni la quantité ni la qualité ne sont directement mesurables. On ne dispose, en fait, que d’indicateurs de type proxies, c’est-à-dire d’indicateurs indirects (car on ne dispose pas de mesures directes, précises et objectives), dont on fait l’hypothèse qu’ils varient parallèlement au phénomène que l’on veut surveiller. On mesure très souvent des « produits » qui signalent l'intensité de l’activité de recherche et certaines de ses qualités : on fait alors l’hypothèse que les résultats seront proportionnels à cette activité. [...]
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Écrit par
- Ghislaine FILLIATREAU : directrice de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, ancienne directrice de l'Observatoire des sciences et des techniques du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur
Classification
Média