ÉVALUATION DE LA RECHERCHE
Les usages du quantitatif pour évaluer la recherche
Il faut garder présent à l’esprit que ces mesures indirectes sont techniquement complexes à calculer et que, puisqu’elles sont indirectes et partielles, elles doivent être contextualisées pour être convenablement utilisées. Elles ne sont donc pas toujours simples d’emploi. Malgré cela, elles sont très largement répandues parce qu’elles rendent de nombreux services aux gestionnaires et investisseurs. Tout d’abord, elles garantissent que le chercheur, le laboratoire ou l’institution qu’il s’agit de financer a bien une activité de recherche d'un certain niveau, laquelle a produit par le passé des connaissances qui ont été validées et utilisées. Ensuite, les nombres sont très commodes pour eux, car ils établissent une hiérarchie « clé en main » sans avoir à entrer dans le détail de considérations scientifiques : « celui qui a les meilleurs chiffres est le meilleur ». Ceux-là permettent donc d’endosser une décision qui sera facile à expliquer – et difficile à contester : « les chiffres sont formels ». Ils apparaissent objectifs et, parce qu’ils peuvent être appliqués de manière systématique, ils apparaissent comme justes, puisque tout le monde paraît traité de la même manière. Au final, ces indicateurs chiffrés offrent un format particulièrement commode pour la prise de décision, ce qui permet de défendre auprès des financeurs des choix budgétaires en faveur de la recherche, malgré l’incertitude inhérente à cette activité et à ses résultats.
Les indicateurs quantitatifs sont également utilisés par les chercheurs lorsqu'ils participent à une évaluation scientifique du travail de leurs collègues – là aussi pour des motifs de simplicité, d'économie et de sécurité dans la prise de décision. Cependant, contrairement aux décideurs non scientifiques, les chercheurs ont la capacité d'utiliser les indicateurs sur un mode expert, et de les interpréter finement. De plus, un certain nombre d’entre eux au moins ont une formation statistique qui leur permet d’utiliser des nombres avec sécurité. Au regard de l’importance prise par ces indicateurs et leur complexité sous-jacente, on ne peut que souhaiter la généralisation d’une formation de base aux approches statistiques dans les cursus d’enseignement de toutes les disciplines.
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Écrit par
- Ghislaine FILLIATREAU : directrice de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, ancienne directrice de l'Observatoire des sciences et des techniques du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur
Classification
Média