ÉVALUATION ET QUANTIFICATION DES RISQUES SANITAIRES
Les risques sanitaires ont changé de nature
Les risques sanitaires prennent de nouveaux visages avec une prolifération de situations dangereuses liées à l’évolution des conditions de vie, de production, de transport, de travail, de consommation et d’habitation qui, dans un contexte d’échanges internationaux intenses, créent les conditions d’une diffusion massive des expositions à des agents dangereux. Le passage d’agents pathogènes de l’animal à l’homme est ainsi facilité, dans certaines régions, par des pratiques de déforestation – par exemple, en ce qui concerne l’émergence du paludisme à Plasmodium knowlesien Asie du Sud-Est –, la présence d’élevages intensifs et la promiscuité au niveau de l’habitat – cas des virus grippaux –, ou encore la cohabitation plus fréquente avec la faune sauvage et son commerce. L’émergence du coronavirus SARS-CoV-2 répond parfaitement à ce schéma. Les perturbations climatiques peuvent par ailleurs créer des conditions propices à la diffusion des épidémies.
Mais les nouvelles sources de dangers ne sont pas qu’infectieuses : des maladies chroniques comme les allergies, l’obésité et certains cancers se développent aussi de façon épidémique en ce sens qu’elles ont une incidence croissante. L’être humain produit en effet de nouveaux facteurs de risques (chimiques, physiques et biologiques) à une telle vitesse que les dispositifs existants d’évaluation des risques ne peuvent pas suivre. Les conditions de vie se sont plus transformées en quelques dizaines d’années que tout au long de l’histoire antérieure de l’humanité, avec à la fois des améliorations, mais aussi de nombreuses menaces, et le paysage des risques s’en trouve sans cesse bouleversé.
Ainsi, autrefois, les dangers s’exprimaient localement là où les activités de production émettaient des substances toxiques (tanneries, métallurgie, production de produits chimiques industriels, etc.). Les doses étaient fortes, mais le nombre de personnes exposées était restreint. Ces dangers classiques, qui n’ont pas disparu, suivaient une stratification sociale claire, intangible, assez facile à prévoir, à mettre en évidence et à prévenir. De nos jours, le risque n’est plus seulement une affaire locale, il est devenu global. Il peut s’exprimer loin de là où il est produit, ce qu’a illustré l’affaire des farines animales et du prion. Ainsi, ce nouveau paysage des risques est caractérisé par de forts niveaux d’incertitudes et par l’effacement d’une triple frontière : spatiale (aucune barrière géographique, administrative ou politique ne peut plus s’opposer à la diffusion des risques qui circulent avec les transports et le commerce) ; temporelle (la longue latence entre l’exposition et ses conséquences comme c’est le cas pour de nombreux produits chimiques) ; sociale (la complexité des sources de risques brouille leur traçabilité et se prête à de gigantesques batailles juridiques sur les questions de responsabilité, comme on le constate dans le cas des pesticides).
Les évolutions technologiques, écologiques et sociales créent les conditions d’une diffusion de masse des substances et des produits, exposant de vastes populations. Certes, ces expositions correspondent en général à de faibles doses itératives créant des risques individuels qui ne peuvent être que faibles – s’il en était autrement, la démonstration du risque serait évidente. Mais, lorsqu’un risque faible touche des millions de personnes, son impact sanitaire peut être considérable et ne se révéler qu’après un long intervalle de temps.
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Écrit par
- William DAB : professeur émérite du Conservatoire national des arts et métiers (chaire d'hygiène et sécurité)
Classification
Média