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ÉVANGÉLISME ET ÉGLISES ÉVANGÉLIQUES

Un christianisme de conversion

Les Églises évangéliques sont nées en Europe. Elles se sont progressivement déployées dans la matrice des mouvements réformateurs du xvie siècle, avec l'anabaptisme continental (groupes de convertis qui rebaptisaient à l'âge de raison) et le non-conformisme anglais (radicaux protestants en marge de l'Église anglicane). Émiettées et décentralisées, elles ont construit un paradigme chrétien qui articule « relation personnelle avec Jésus » fondée sur le pardon et la foi, et « construction collective ». On parle à leur sujet de protestantisme évangélique, ou d'évangélisme. Ce protestantisme axé sur la conversion consiste en une religion individualisante, fondée sur le choix personnel. Mais en même temps, il est aussi porteur d'effets sociaux considérables en raison de la dynamique prosélyte qui soude les fraternités électives évangéliques. On ne reste pas converti tout seul ; on s'inscrit dans une association, un groupe de fidèles, un réseau militant, avec pour objectif partagé l’extension du Royaume de Dieu.

Marginal et souvent persécuté à l'époque moderne (xvie-xviiie siècle), l’évangélisme s'est peu à peu étoffé au fil des « réveils » qui ont scandé l'histoire du protestantisme, à partir de mouvements de conversion, pieux et fervents, tels que le baptisme et le piétisme (xviie siècle), le méthodisme (xviiie siècle), le darbysme, les frères larges, l'Armée du salut (xixe siècle), et enfin le pentecôtisme et le mouvement charismatique (xxe siècle). C'est aux États-Unis que l’évangélisme a trouvé, au xixe siècle, son milieu d'éclosion le plus favorable, dans ce « Nouveau Monde » où les options personnelles primaient sur les identités héritées du passé.

Contrairement à celui des religions d'État ou des religions dominantes de certains pays, le développement de l’évangélisme dans le monde n'est pas directement lié aux projets coloniaux et politiques des grandes puissances, même si sa vigueur missionnaire s'est déployée dans le contexte de l'hégémonie européenne et occidentale. Le protestantisme évangélique se présente avant tout comme un moyen d'individuation et comme le promoteur de formes associatives et volontaires de regroupement des croyants. De ce point de vue, il s’est longtemps contenté d’exercer une influence infra-politique, par le biais d’organisations ou de sociétés civiles informelles. Il a tissé ses réseaux grâce à ses missions et à ses associations, et en diffusant des œuvres. Aujourd'hui, la donne a en partie changé. En 2014, « les évangéliques à l'assaut du monde » (pour reprendre le titre d'un numéro de 2005 de la revue Hérodote) sont devenus un des acteurs importants de la géopolitique religieuse mondiale. Entre-temps, l’identité des Églises évangéliques a connu une évolution qui suit deux chemins parallèles.

La nébuleuse born again se partage en effet entre deux sensibilités. D'une part, une tendance pentecôtiste et charismatique met l'accent sur l'efficacité miraculeuse du Saint-Esprit. Plus que l'enseignement doctrinal, ce courant valorise la guérison, la prophétie, la délivrance (exorcisme), la glossolalie (prière en « langues » : propos tenus dans des langues inconnues et inspirés par le Saint-Esprit, sur le modèle du récit de la Pentecôte des Actes des Apôtres). D’autre part, une seconde tendance, que l’on peut qualifier de piétiste et d’orthodoxe, valorise la « saine doctrine » et la pratique droite (orthopraxie). Il s'agit avant tout pour elle de pratiquer une vie chrétienne pieuse, conforme aux enseignements moraux des Écritures. Aujourd’hui, c’est la forme pentecôtiste et charismatique qui rencontre le plus de succès. L'Amérique du Nord n'est pas la plus touchée par ce courant. L'Afrique, l'Asie,[...]

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Écrit par

  • : agrégé d'histoire, chercheur au CNRS, laboratoire Groupe sociétés, religions, laïcités

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Médias

Prière inaugurale lors de l’investiture de Barack Obama, janvier 2009
		 - crédits : Pat Benic/ EPA

Prière inaugurale lors de l’investiture de Barack Obama, janvier 2009

Médecin de l’ONG Samaritan’s Purse au Darfour en 2004 - crédits : Michael Freeman/ Corbis Historical/ Getty Images

Médecin de l’ONG Samaritan’s Purse au Darfour en 2004

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