ÉVANGÉLISME ET ÉGLISES ÉVANGÉLIQUES
Les convertis du Sud
D'un hémisphère à l'autre, le portrait de l'évangélique type est celui d'un homme blanc de classe moyenne, parlant l’anglais, zélé dans le témoignage de sa foi, et attaché à des valeurs conservatrices qui peuvent le conduire à l'engagement politique actif, de la période de la prohibition jusqu’à celle de George W. Bush Jr. Mais cette image est réductrice. Car l'expansion mondiale de cette mouvance chrétienne plurielle s’inscrit depuis longtemps dans une dynamique polycentrique, où le poids des États-Unis, dominant mais structurellement déclinant, n’explique pas tout. À partir des années 1970-1980 en effet, l'influence de l’évangélisme américain décline en même temps que progresse celui des évangélismes des pays du Sud, dont les prophètes et prophétesses, apôtres, missionnaires, chantres et prédicateurs animent avec ferveur les banlieues des grandes cités européennes. Dans les années 2010, la majorité des missionnaires évangéliques répartis dans le monde ne vient plus des États-Unis, ce qui était encore le cas dans les années 1970. Des langues comme le lingala, le français, le portugais s'invitent dans les tracts d'évangélisation et les réunions de réveil, où le djembé côtoie le synthétiseur.
Des pays émergents comme le Nigeria (50 millions d'évangéliques), le Brésil (45 millions), le Kenya (20 millions), la République démocratique du Congo (15 millions), l'Éthiopie (14 millions), la Corée du Sud (9 millions) alimentent une part croissante des effectifs missionnaires mondiaux. Et que dire de la Chine, où beaucoup d'experts s'étonnent de voir le nombre des évangéliques dépasser les 60 millions de fidèles, soit l'équivalent de la population française ? S’appuyant sur des phénomènes dynamiques d'hybridation locale, portées par les assemblées de convertis et des « missionnaires aux pieds nus », ces nouveaux pôles évangéliques apportent avec eux des ritualités, des styles de prédication, des habitudes musicales, qui témoignent de recompositions spirituelles et rituelles endogènes. Du 16 au 25 octobre 2010, au Cap (Afrique du Sud), le Congrès international sur l'évangélisation mondial, dit « Lausanne III », avait été l’occasion pour les mouvements évangéliques de l'hémisphère Sud, désormais majoritaires, de mettre en avant leurs revendications. L'évangélisme des pays du Sud a donné sa couleur dominante aux séances plénières, qui ont rassemblé plus de 4 000 délégués venus de tous les continents.
Pour faire le constat de cette montée en puissance des pays du Sud dans le courant évangéliste, nul besoin cependant de franchir la Méditerranée ou l'océan Indien. On peut l’observer au cœur même de l'Europe, dans ces centaines d'Églises congolaises, ghanéennes, nigérianes ou multiethniques installées dans les banlieues grises de Milan, Paris, Bruxelles ou Hambourg.
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Écrit par
- Sébastien FATH : agrégé d'histoire, chercheur au CNRS, laboratoire Groupe sociétés, religions, laïcités
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Médias
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