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JUDAS ÉVANGILE DE

Durant les deux premiers siècles de formation du christianisme, de nombreux évangiles ont été composés. Certains ont été canonisés et d'autres sont restés apocryphes. Tous démontrent l'extrême diversité doctrinale des communautés chrétiennes. L'Évangile de Judas est un de ces évangiles écrits par les premiers chrétiens, à l'époque où ils tentent de définir qui est Jésus et comment le suivre. Il est classé dans les évangiles dits gnostiques, représentatifs d'une forme de spiritualité qui privilégie la gnose – ou savoir –, c'est-à-dire la connaissance mystique du divin et de l'unicité essentielle du moi avec ce divin.

Le manuscrit a été retrouvé en Moyenne Égypte à la fin des années 1970, en un lieu inconnu. Il appartient à un codex de papyrus composé de quatre traités religieux, le Codex Tchacos, du nom de l'antiquaire suisse qui l'a acheté en 2000. Confié peu après à la fondation suisse Maecenas pour l'art ancien de Bâle, il avait subi de grands dégâts dus en partie à l'incompétence des vendeurs d'antiquités. Sa restauration a été réalisée grâce à un accord avec la National Geographic Society. Sa première traduction, commentée, en anglais, a été publiée pour la première fois aux États-Unis (The Gospel of Judas : from Codex Tchacos, trad. R. Kasser, M. Meyer, G. Wurst, Washington, 2006) et traduite immédiatement en d'autres langues, dont le français. Ce texte jette une lumière nouvelle sur les origines du christianisme aux premiers siècles de notre ère. Généralement, les trouvailles de textes anciens ne captivent pas l'attention des médias et du grand public. Si cela a été le cas pour celui-ci, c'est en raison de son titre, qui a agi comme un catalyseur.

Ce texte nous est parvenu dans sa traduction copte mais il a sans aucun doute été originairement composé en grec vers le milieu du iie siècle. Dans son traité Contre les hérésies écrit vers l'an 180, Irénée de Lyon mentionne en effet l'existence d'un évangile attribué à Judas qui circule dans un groupe dit « caïnite », tenant Caïn en grande estime. Telle qu'elle apparaît dans cet évangile, la figure de Judas est à l'opposé de celle qu'on trouve dans les Évangiles canoniques, qui a nourri l'antijudaïsme chrétien. N'ayant pas été écrit au temps de Jésus par Judas, personnage dont l'historicité est plus que douteuse, l'Évangile de Judas ne fournit pas d'informations historiques nouvelles concernant Judas ou Jésus, mais un témoignage sérieux sur la pensée gnostique du iie siècle.

Son auteur anonyme l'a attribué à Judas afin de le mettre sous le patronage d'une figure d'autorité, un procédé aussi utilisé par les Évangiles canoniques. Le Judas de cet évangile livre bien Jésus mais il est aussi le héros qui dit à son maître : « Je sais qui tu es et d'où tu es venu. Tu es issu du royaume immortel de Barbèlô. Et le nom de qui t'a envoyé, je ne suis pas digne de le prononcer. » Dans l'univers spirituel gnostique, confesser que Jésus est issu « du royaume immortel de Barbèlô » revient à dire qu'il est un être divin, et déclarer ineffable le nom de celui qui l'a envoyé revient à professer que le vrai dieu est l'esprit infini de l'univers.

La doctrine gnostique repose sur l'opposition entre la divinité, transcendante et parfaite, et le démiurge, auteur d'une création viciée qu'il a réalisée par imitation du monde divin. Pour les gnostiques, le problème fondamental de l'existence humaine n'est pas le péché mais l'ignorance. Dans l'Évangile de Judas, Jésus, présenté comme un sage et non comme le sauveur qui meurt pour les péchés du monde, communique à Judas la connaissance qui mène à la conscience de soi et de la divinité[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, section des sciences religieuses

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