Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ÉVANGILES

L'évangile selon saint Jean

Comparé aux évangiles synoptiques, le quatrième évangile surprend par sa facture et son style. Aussi n'a-t-il pas manqué de critiques pour lui refuser la qualité d'évangile et pour le caractériser comme une méditation chrétienne sur les données de la tradition évangélique. Aujourd'hui toutefois, nombreux sont ceux qui lui rendent justice en le considérant comme l'évangile par excellence.

Grâce à des analyses minutieuses, on est parvenu à discerner les strates de sa rédaction. À l'origine se trouvent sans doute les souvenirs de l'apôtre Jean, fils de Zébédée, du moins pour les passages qui ne portent pas la marque « johannique » (de l'évangéliste). Puis trois étapes : d'abord l'école johannique, comportant des théologiens et des prédicateurs, disciples de Jean, qui, par leurs traditions orales, ont déterminé les principales compositions dramatiques et les grands discours de l'évangile. Puis apparaît un évangéliste-écrivain auquel revient l'organisation de l'ensemble. Enfin un rédacteur-compilateur qui a procédé à de nombreuses additions, telles que les chapitres xv à xvii. Le quatrième évangile a donc connu une longue histoire littéraire, au cours de laquelle se sont fait jour divers soucis, comme une polémique contre les sectateurs du Baptiste ou contre les docètes. Sans doute aussi, des influences d'ordre philosophique (philonisme ou hermétisme) ont-elles joué sur les rédacteurs, sans modifier pour autant la source chrétienne. Celle-ci peut être considérée, avec C. H. Dodd, indépendante des évangiles synoptiques, constituant un « second réservoir » de la tradition évangélique.

Cet ouvrage est un véritable évangile. Jean déclare qu'il l'a écrit « pour que vous croyiez que Jésus, le Messie, est le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie en son nom » (xx, 31). De fait, son évangile s'apparente à la prédication de l'Église naissante : miracles, foi, vie promise... Il offre même une structure analogue à celle du kérygme originel, c'est-à-dire la proclamation du salut par la foi au Seigneur ressuscité. Il prend pour point de départ la prédication de Jean-Baptiste (i, 19), et la désignation de Jésus comme Fils de Dieu lors de son baptême (i, 33-34) ; il détaille les « signes » et les enseignements de Jésus ; il en rapporte la passion, la résurrection et quelques apparitions ; il interprète les événements à la lumière de la prophétie biblique : tout cela dénote un évangile traditionnel.

Plus précisément, cet ouvrage est, selon le mot de Clément d'Alexandrie cité par Eusèbe (Histoire ecclésiastique, VI, xiv, 6), un « évangile spirituel » : il est l'œuvre de l'Esprit-Saint qui illumine l'esprit de Jean et lui permet de manifester la profondeur des événements qui ont marqué l'existence terrestre de Jésus. Jean se présente certes comme « le disciple qui témoigne de ces faits » (xxi, 24), peut-être même comme « le disciple que Jésus aimait » (xiii, 23), en tout cas comme celui « qui a vu et rend témoignage » (xix, 35) ; mais ce témoignage n'est pas simplement humain ; il est transformé par l'Esprit-Saint, celui qui est appelé « le Paraclet », c'est-à-dire l'avocat de Jésus après sa mort, chargé d'enseigner et de rappeler tout ce que Jésus a dit (xiv, 25-26) et de conduire à la vérité tout entière (xvi, 13). Grâce à l'Esprit, Jean veut faire de son lecteur un disciple de première main, dirait Kierkegaard : rendre le lecteur contemporain de celui qui a franchi les portes de la mort et demeure à jamais vivant. À travers l'histoire du temps passé, Jean proclame l'évangile pour le temps présent.

Le passé est donc situé par rapport au présent. Tel le coryphée dans les tragédies[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Médias

<it>La Multiplication des pains</it>, J. Patenier - crédits :  Bridgeman Images

La Multiplication des pains, J. Patenier

Saint Marc - crédits : G. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Saint Marc

Autres références

  • RÉDACTION DES QUATRE ÉVANGILES

    • Écrit par
    • 206 mots

    Jésus n'ayant laissé aucun écrit, son enseignement fut transmis oralement par ses disciples qui le relirent en fonction de leur expérience et de leur situation historique. Ces traditions orales ou catéchèses, mises par écrit dans un premier temps sous des formes pour lesquelles nous sommes réduits...

  • ANDRÉ saint (mort vers 60-70)

    • Écrit par
    • 343 mots

    Né à Bethsaïde Julia en Galilée, mort vers 60-70 à Patras, dans la région d'Achaïe (Grèce), saint André est l'un des douzeapôtres de Jésus, frère de Simon (qui deviendra l'apôtre Pierre).

    Dans les Évangiles synoptiques (Évangiles selon saint Matthieu, saint Marc et saint...

  • APOCALYPTIQUE & APOCRYPHE LITTÉRATURES

    • Écrit par et
    • 9 934 mots
    Il est extrêmement difficile de préciser la notion d'apocryphes du Nouveau Testament. En dehors des quatre textes canoniques tout évangile était apocryphe. Plus tard, la notion s'élargit. On classa dans cette catégorie des livres connus et estimés de tous, nullement blâmables, mais que l'Église ne...
  • APÔTRES ACTES DES

    • Écrit par
    • 844 mots

    Second tome d'une œuvre unique, attribuée à Luc, dont le premier est le troisième Évangile canonique. Les articulations entre les deux livres sont nombreuses. L'un et l'autre débutent par un prologue à l'adresse d'un même personnage, Théophile : manière hellénistique de composer l'histoire qu'accompagne...

  • ASCENSION DE JÉSUS

    • Écrit par
    • 877 mots

    Ultime apparition de Jésus relatée par les Actes des Apôtres (i, 9-11), l'Ascension désigne le moment où le Christ est « enlevé » au ciel le quarantième jour après sa résurrection. Les Actes rapportent que ce même jour, en présence des apôtres réunis sur le mont des Oliviers, Jésus s'éleva vers...

  • Afficher les 33 références