GALOIS ÉVARISTE (1811-1832)
Du candidat éconduit au révolutionnaire
Mais tout alors se referma. Définitivement refusé par Dinet à l'École polytechnique en 1829 sur une question mineure, qu'il négligea de traiter la jugeant sans intérêt, il entra, par l'intervention énergique de M. Richard, à l'École préparatoire (prête-nom de l'École normale supérieure), et y rédigea un premier mémoire pour le grand prix de mathématiques de l'Académie des sciences en 1830, lequel fut décerné à Jacobi et Abel (mort l'année précédente, également ignoré), tandis que les papiers de Galois étaient déclarés perdus. Un an plus tard, un second mémoire, rédigé sur le conseil de Poisson, fut rejeté comme incompréhensible. Ce qui prouva aux yeux de Galois l'incapacité des hommes et la désuétude des institutions. Dans le même temps, les événements se précipitent, bouleversant sa vie : son père se suicide à la suite d'une cabale politique du vicaire de Bourg-la-Reine, lui-même est expulsé de l'École préparatoire après la publication dans La Gazette des écoles d'une lettre publique où il dénonçait l'attitude du directeur Guignault pendant les trois journées de la révolution de Juillet. Il rejoignit alors les Amis du peuple, et entra dans l'insurrection comme il était entré dans la recherche pure, sans peur. Arrêté en avril 1831 pour avoir porté dans un banquet républicain un toast : « À Louis-Philippe », le couteau à la main, et acquitté une première fois, il fut arrêté deux mois plus tard, au pont Neuf, en habit d'artilleur de la garde nationale, à la tête d'un cortège de manifestants. Emprisonné à Sainte-Pélagie, il y travailla « de tête » sur les intégrales des fonctions algébriques et sur une « théorie de l'ambiguïté » dont rien ne subsiste. Le choléra décimant Paris en 1832, il fut transféré à la maison de santé du sieur Fautrier, où il retrouva quelque liberté, et de décevantes amours qui provoquèrent un duel forcé. Il se vit mourir « victime d'une infâme coquette et de deux de ses dupes ». L'« infâme coquette », Stéphanie Dumotel, était la fille d'un médecin attaché à cette maison de santé ; les « dupes » ont nourri les fantasmes policiers ou romantiques des interprètes, sans grande consistance. Rien n'interdit de croire Galois qui les désigne comme « patriotes », sachant par ailleurs que Stéphanie avait un frère mêlé aux républicains. Dans la nuit précédant le duel, Évariste Galois écrivit à Auguste Chevalier (frère du saint-simonien Michel Chevalier) une lettre testamentaire, où il lui confie comme à l'ami le plus sûr ses recherches rassemblées, ses papiers relus en hâte : deux mémoires, une préface, des essais, des brouillons : épaves du naufrage.
Galois, retrouvé sur le bord de l'étang de la Glacière, le ventre traversé par une balle de plomb, mourut d'une péritonite au matin de l'Ascension, le 31 mai 1832, sans autre confession que de sa douleur de mourir. Ses amis républicains, qui le portèrent le 2 juin depuis l'hôpital Cochin jusqu'à la fosse commune du cimetière Montparnasse, tombèrent pour la plupart sur les barricades de la rue du Cloître-Saint-Méry, trois jours plus tard.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Pierre AZRA : professeur de mathématiques spéciales
- Robert BOURGNE : directeur de l'institut Alain
Classification
Média
Autres références
-
GROUPES DE GALOIS
- Écrit par Bernard PIRE
- 178 mots
L'unique mémoire d'Évariste Galois (1811-1832), Sur les conditions de résolubilité des équations par radicaux, présenté à l'Académie des sciences en 1831, reçut un avis défavorable de son rapporteur Siméon-Denis Poisson ; pourtant, l'importance de ce travail dans le développement...
-
ALGÈBRE
- Écrit par Jean-Luc VERLEY
- 7 143 mots
..., mais la notion de groupe n'apparaît pas formulée avec netteté avant Cauchy. En 1830, dans ses travaux sur la résolubilité des équations algébriques, Galois ramène l'étude d'une telle équation à celle du groupe (fini) de permutations de ses racines ; à ce propos, l'auteur introduit les notions fondamentales... -
CORPS, mathématiques
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Robert GERGONDEY
- 6 190 mots
Jusqu'à Abel et Galois, le problème central posé par les équations algébriques était celui de leur solution par radicaux, c'est-à-dire l'expression des racines au moyen d'opérations rationnelles et d'extractions de racines. Les Grecs connaissaient déjà des cas particuliers de la formule ... -
WEBER HEINRICH MARTIN (1842-1913)
- Écrit par Jeanne PEIFFER
- 806 mots
Universalité. C'est le mot qui caractérise peut-être le mieux le mathématicien allemand Heinrich Weber. Esprit souple, il était capable de travailler dans des domaines très divers des mathématiques. Mais il concentra surtout ses recherches sur l'analyse et ses applications à la physique...