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CROMER EVELYN BARING 1er comte (1841-1917)

Le nom de Baring, élevé à la pairie avec le titre de Cromer en 1901, est associé à la grande période de l'impérialisme britannique et, plus particulièrement, à la mainmise sur l'Égypte. Né dans le Norfolk, ayant perdu très jeune son père qui avait siégé aux Communes, il se destine à la carrière militaire et devient officier d'artillerie en 1858. Après avoir passé quelque temps en Méditerranée, il suit des cours à l'École de Guerre d'état-major et est affecté en 1870 aux services de contre-espionnage du ministère de la Guerre. De 1872 à 1876, il sert dans l'administration de l'Inde, puis retrouve son affectation antérieure. Le grand tournant de sa vie survient en 1877 quand il est pour la première fois nommé en Égypte en tant que commissaire britannique de la Caisse de la Dette. À partir de cet instant, sauf à de rares intervalles, sa carrière se confond avec la mise sous tutelle progressive de l'Égypte : après un nouveau passage en Inde, il devient en 1883 agent britannique et consul général de son pays au Caire. En fait, il exerce un rôle de véritable proconsul, dictant de plus en plus fermement les volontés de son gouvernement à un pouvoir local de moins en moins capable de s'y opposer. Il fait preuve de souplesse, mais aussi d'une irréductible fermeté. Sa connaissance de la langue et des hommes, des contacts personnels parfois excellents avec le khédive lui facilitent la tâche, encore qu'à l'occasion, comme en 1894, il n'hésite pas à agiter la menace d'interventions armées pour faire céder ses interlocuteurs. Son œuvre ne se limite pas à un contrôle politique et il est l'initiateur de multiples réformes économiques, fiscales, agraires. Plus réticent envers le développement d'un système moderne d'éducation, il a parfois été accusé de vouloir garantir la persistance de la présence anglaise en retardant la naissance d'une élite indigène de qualité. Sourd à la montée des nationalismes, il se comporte de plus en plus en « pharaon » supérieur et, après son élévation à la pairie, les Cairotes parlent de lui comme du « Seigneur » (The Lord). Après avoir refusé le portefeuille des Affaires étrangères que lui offrait sir Henry Campbell-Bannerman en 1905, il doit renoncer deux ans plus tard à son poste en Égypte pour des raisons de santé. C'est en 1908 qu'il siège et prend pour la première fois la parole à la Chambre Haute. À partir de ce moment, il se consacre à l'historique de son œuvre en publiant en deux volumes Modern Egypt (Égypte contemporaine), écrit des essais politiques et moraux, prend des positions politiques en général traditionalistes, défend l'impérialisme. Sa dernière tâche officielle sera de présider, à partir de 1916, la commission d'enquête sur l'expédition des Dardanelles. Lord Cromer aura incarné le Britannique patriote, sûr du bon droit de son pays dans toutes les affaires coloniales, persuadé, par ses comparaisons avec l'Antiquité grecque dont il était un fin connaisseur, que le destin de sa nation était de réaliser une thalassocratie durable. Froid, supérieurement intelligent, travailleur acharné, il a été un type de colonisateur très différent des plus romantiques des modernes conquistadores : d'où ses relations parfois difficiles avec des hommes comme Gordon au temps de la fâcheuse aventure soudanaise de 1884.

— Roland MARX

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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