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ÉVÉNEMENT, sociologie

L'événement, c'est ce qui « advient » à une certaine date et dans un lieu déterminé. Cette signification, à première vue, a l'air claire. Elle garde cependant une certaine ambiguïté. D'un côté, l'événement se distingue de l'accident ; l'accident est ce qui arrive aussi, mais d'une manière contingente ou fortuite, ce qui aurait pu ne pas se produire : tandis que l'événement peut être parfois prédit à l'avance, attendu comme un effet nécessaire à partir d'un certain enchaînement des causes ou de conditions préalables. D'un autre côté, l'événement ne se confond pas avec le «  fait » ; même si l'événement, en effet, se situe dans une régularité temporelle et où la prédiction prend sa place, le « fait » historique a un sens plus large que l'« événement » ; le fait est bien « ce qui advient » aussi, ce qui prend place dans un certain temps et dans certains lieux ; mais il n'est pas une donnée de l'expérience, il est construction de l'esprit du savant, construction qui finalement tue l'événement, dans ce qu'il a d'unique, d'inattendu, de singulier, pour en faire l'expression superficielle de régularités, donc de répétitions, plus profondes.

Ainsi, l'événement paraît pris dans une double postulation : celle de l'homme surpris par son « avènement », traumatisé par lui, ou qui en savoure au contraire la spécificité, la particularité, et la nouveauté ; celle du savant qui, tout en reconnaissant que la durée ne peut être qu'une « série d'événements », n'a de cesse de les repenser pour discerner derrière leur discontinuité la logique de leur succession. C'est cette logique, ou plutôt ces logiques (car il y en a plusieurs) qui seront examinées ici : non point tant l'événement, par conséquent, que la connaissance des événements, et les règles de la logique auxquelles ils obéiraient.

Cependant, avant d'aborder ce problème, il faut faire une autre remarque. En fait, tout est événement, c'est-à-dire apparition du nouveau. Il se passe toujours quelque chose, que ce soit dans une vie individuelle ou pour une vie collective ; mais tout ce qui se passe n'est pas considéré comme une suite d'« événements » : tout ce qui se répète, tout ce qui est monotone, tout ce qui a l'air simplement de durer n'est point « événementiel » ; l'événementiel, au contraire, se détache de cette grisaille et de cette uniformité, il est une « coupure » dans la discontinuité du temps, il est ce qui prend une importance soit pour nous (mariage, naissance d'un enfant, maladie, etc.), soit pour un groupe social (guerre, révolution, couronnement d'un roi), bref, dans la continuité temporelle, ce qui nous semble suffisamment « important » pour être découpé, mis en relief, et pouvoir être désormais, sinon commémoré, du moins mémorisé. Si l'événement n'est pas « construit » à l'opposé du fait (historique), du moins est-il « choisi » dans l'écoulement des choses parce qu'il sort de l'uniformité et qu'il touche notre sensibilité ou notre intelligence. Il n'y a d'événement que pour l'homme et par l'homme ; c'est une notion « anthropocentrique », non une donnée objective.

La connaissance des événements dans les sociétés archaïques

Mircea Eliade a bien montré que « l'histoire des sociétés primitives se réduit exclusivement aux événements mythiques qui ont lieu in illo tempore et qui n'ont cessé depuis lors jusqu'à nos jours », c'est-à-dire que tous les événements qui se déroulent dans le temps vécu par les hommes et leurs sociétés (la maladie et la mort d'un individu, les aventures de la guerre, par exemple) ne sont[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Paris-I

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