ÉVOLUTION DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE DANS LE MONDE
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Évolution des collaborations internationales
Le caractère international des sciences facilite de manière générale les collaborations entre chercheurs. La forte spécialisation des scientifiques fait aussi en sorte qu’une recherche sur un sujet donné peut difficilement se faire en solo et demande la collaboration de nombreux chercheurs. Plus de 90 % des publications scientifiques ont d’ailleurs, en 2019, plus d’un auteur et 28 % sont signées par des auteurs provenant d’au moins deux pays. Le fait que certains domaines de recherche, comme la physique des particules, exigent des instruments coûteux, et donc peu nombreux, favorise également les collaborations à l’échelle internationale. La croissance des collaborations internationales est d’ailleurs régulière depuis les années 1970 et la proportion des articles écrits par des chercheurs d’au moins deux pays suit la même pente ascendante dans la plupart des pays à l’exception de la Corée du Sud, de la Chine, du Japon et de l’Inde. La France, par exemple, a vu la proportion de ses publications produites en collaboration internationale passer d’environ un tiers en 1997 à près de deux tiers vingt ans plus tard, soit une croissance plus rapide que celle de l’Allemagne et de l’Italie.
De façon générale, les pays les plus peuplés et les plus développés sur le plan économique ont plus de chance de trouver à l’intérieur de leurs frontières les collaborateurs potentiels, de telle sorte que moins le pays est important en termes de production scientifique, plus son taux de collaboration internationale tend à être élevé. Ainsi, des pays de moins de 100 millions d’habitants comme le Royaume-Uni, la France et le Canada ont des taux de collaboration internationale beaucoup plus élevés que celui des États-Unis ou de la Chine par exemple. Si l’on se place au niveau continental, on voit bien que les pays les moins équipés sur le plan scientifique sont ceux qui dépendent le plus de collaborateurs étrangers . Ainsi, en 2019, près des deux tiers des publications ayant au moins un auteur d’Afrique ou d’Océanie sont écrites en collaboration avec un ou des auteurs d’un autre continent. La forte attraction du continent américain fait qu’un peu plus de 40 % des publications émanant de ce continent sont écrites avec des collaborateurs d’au moins un autre continent, le plus fréquent étant l’Europe. À l’inverse, les pays d’Asie sont beaucoup moins enclins à collaborer, seulement un quart de leurs publications étant signées avec des chercheurs d’un autre continent.
Pour les périodes 2000-2009 et 2010-2019, les liens asymétriques de collaboration scientifique entre continents se déplacent vers le continent asiatique. Ainsi, l’Afrique et l’Océanie ont accru leurs liens entre eux et avec l’Asie. Dans le cas de l’Afrique, cela s’est fait au détriment de l’Europe. Le fait que l’Europe pèse en gros le double de l’Amérique dans ses relations avec l’Afrique est bien sûr le reflet d’anciennes relations coloniales. La forte croissance des liens de l’Afrique avec l’Asie au cours des années 2010 suggère un déplacement des liens de dépendance de l’Europe vers la Chine. Le rôle de plus en plus important de l’Asie dans la décennie 2010-2019 est aussi visible dans le fait que l’Amérique a également accru ses liens avec ce continent au détriment de l’Europe, tout comme cette dernière a accru ses liens avec l’Asie au détriment de l’Amérique. Quant à l’Asie, elle n’a pas vraiment modifié ses liens avec l’Europe et l’Amérique au cours des deux premières décennies du xxie siècle, signe que ces deux continents demeurent centraux sur le plan scientifique. Elle a cependant accru ses liens de collaboration avec l’Afrique et l’Océanie.
La relative spécialisation disciplinaire des pays se reflète également dans les collaborations entre régions. On constate[...]
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Écrit par
- Yves GINGRAS : professeur d'histoire et de sociologie des sciences, université du Québec à Montréal (Canada), directeur scientifique de l'Observatoire des sciences et des technologies (OST)
Classification
Médias