ÉVOLUTION DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE DANS LE MONDE
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Conclusion
Les pays dont l’infrastructure scientifique est ancienne possèdent un système de production relativement stable et affichent un taux de croissance faible ou modéré, de sorte que leur part relative de la production scientifique mondiale ne peut que décroître avec la montée en puissance de pays comme la Chine dont le développement économique rapide rend possible un développement scientifique et technologique accéléré. De même, certains pays arabes qui ont bénéficié d’une rente pétrolière semblent avoir décidé d’investir davantage dans la recherche scientifique pour diversifier leur économie et préparer ainsi une voie de sortie de l’ère pétrolière en misant sur le développement technologique, lequel requiert une main-d’œuvre scientifique spécialisée.
Les deux premières décennies du xxie siècle sont donc caractérisées par des relations accrues entre tous les pays producteurs de science qui forment un réseau de collaboration scientifique beaucoup plus dense qu’au xxe siècle. Ainsi, les fortes relations entre l’Europe et l’Amérique qui ont caractérisé le milieu du xxe siècle font place au début du xxie siècle à une relation triangulaire dans laquelle la Chine occupe une place importante.
Il ne fait aucun doute que le début du xxie siècle est marqué par la montée spectaculaire de la Chine comme puissance scientifique mondiale, et tout porte à croire que cette croissance va se poursuivre. L’évolution rapide du nombre de publications est bien sûr liée à la croissance des investissements en recherche et développement (R&D) de ce pays. Entre 2000 et 2017, le taux de croissance annuel moyen de la R&D a été de 4,7 % aux États-Unis et de 17 % en Chine. La Chine a ainsi dépassé l’Europe en 2015, en termes d’investissement total en R&D (mesuré en dollars « parité de pouvoir d’achat », PPA) et, à ce rythme, devrait rattraper les États-Unis avant la fin des années 2020. Le régime politique autoritaire de ce pays et ceux de pays comme l’Arabie Saoudite et l’Iran, qui ont également connu une forte croissance de leur production scientifique, facilite aussi une planification à très long terme dans des secteurs jugés stratégiques, alors que les pays démocratiques ont plutôt des politiques scientifiques à court terme, qui peuvent changer au gré des élections tous les quatre ou cinq ans.
Dans les années à venir, il est fort probable que les régions qui dépendent le plus des collaborations internationales pour leur développement scientifique se rapprocheront encore davantage de la Chine alors que celle-ci accroîtra également ses liens avec l’Europe, entraînant un déclin relatif de la centralité des États-Unis. Chose certaine, et comme le note aussi le rapport américain de 2020 sur l’état des sciences et des technologies, émanant de la National Science Foundation, « de plus en plus, les États-Unis sont considérés globalement comme un leader important plutôt que comme un leader incontesté ». Le contexte de « nouvelle guerre froide », qui voit depuis 2020 les États-Unis accuser la Chine d’espionnage industriel et limiter la liberté des chercheurs américains de collaborer avec leurs collègues chinois, risque d’affecter encore davantage les relations scientifiques entre ces deux pays, au profit de la Chine, qui renforce par ailleurs ses liens avec les autres pays.
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Écrit par
- Yves GINGRAS : professeur d'histoire et de sociologie des sciences, université du Québec à Montréal (Canada), directeur scientifique de l'Observatoire des sciences et des technologies (OST)
Classification
Médias