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ÉVOLUTION

Hérédité des caractères biologiques

L' hérédité des caractères acquis, au milieu du xxe siècle, était tombée dans un discrédit presque général, et les théories de Lyssenko apparaissaient à l'immense majorité de la communauté scientifique comme un archaïsme ou une supercherie. Pourtant, un siècle plus tôt, cette hypothèse était en faveur chez la plupart des savants. Darwin lui-même y adhérait et avait tenté de l'expliquer dans le cadre de sa théorie dite de la « pangenèse », en invoquant l'existence de « gemmules », des particules provenant de l'ensemble du corps et participant à l'élaboration de la semence : ces gemmules, susceptibles de modifications, étaient de ce fait capables de transmettre d'une génération à l'autre des modifications acquises par l'organisme.

À partir de la seconde moitié du xixe siècle, ces questions d'hérédité prirent une importance croissante : intimement liées à la compréhension des mécanismes de l'évolution, elles eurent des conséquences déterminantes sur l'histoire du transformisme. Deux aspects revêtaient à cet égard un intérêt particulier.

En premier lieu, les travaux de l'Allemand August Weismann (1834-1914), dans les années 1880, ouvrirent des perspectives nouvelles au darwinisme en le débarrassant définitivement de l'hérédité des caractères acquis. Weismann établit en effet que la transmission des caractères d'une génération à la suivante ne mettait pas en jeu l'ensemble de l'organisme, mais seulement une partie, le germen, qui n'était pas soumis à toutes les transformations éventuellement subies par le reste de l'organisme, ou soma. L'indépendance de ces deux composantes rendait par conséquent impossible toute transmission d'une adaptation somatique, et partant, toute action directrice du milieu sur l'évolution des organismes. Dès lors, le mécanisme de variation devenait réellement aléatoire et Weismann proposa donc, sur cette base, une version beaucoup plus forte de la théorie de la sélection naturelle, que l'on désigna comme le « néo-darwinisme ».

En conséquence, à la fin du xixe siècle, une scission profonde s'accomplit au sein de l'évolutionnisme, le désaccord ne portant pas sur les « faits d'évolution » mais sur les mécanismes sous-jacents. Le néo-darwinisme rejetait toute transmission des caractères acquis (contrairement au darwinisme de Darwin) et situait entièrement le « process » évolutif dans la seule action de la sélection naturelle. Par contraste, les néo-lamarckiens admettaient une certaine action de la sélection, en insistant sur son aspect éliminatoire plutôt que constructif, et plaçaient l'essentiel du mécanisme évolutif dans l'adaptation résultant de l'hérédité de l'acquis. Les positions étaient évidemment irréconciliables, ce qui allait conduire, du fait aussi de difficultés supplémentaires, à une profonde « crise du transformisme » qui allait sévir pendant tout le premier tiers du xxe siècle, au moins.

Le second aspect, tout aussi essentiel, concernait le caractère continu ou discontinu de la variation héréditaire. Darwin, qui privilégiait les changements continus, proposait une vision gradualiste de l'évolution, mais cette opinion était mise en cause par certains de ses partisans, comme son compatriote Thomas Huxley, selon lequel des « sauts » évolutifs pouvaient intervenir. Ce « saltationnisme » trouva de nombreux défenseurs, et sa version la plus aboutie fut le « mutationnisme » énoncé par Hugo De Vries en 1901. C'est en partie au sein de cette école de pensée que naquit la génétique, dont l'acte fondateur correspond à la « redécouverte » des lois de Mendel en 1900 (énoncées en 1866, elles avaient été largement connues, contrairement à ce qu'on lit parfois,[...]

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