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ÉVOLUTION

De la crise du transformisme à la théorie synthétique

Un mutant de drosophile à quatre ailes: <it>Ultrabithorax</it> - crédits : David Scharf/ SPL France

Un mutant de drosophile à quatre ailes: Ultrabithorax

Au début du xxe siècle, plusieurs théories matérialistes (néo-darwinisme, néo-lamarckisme, orthogenèse, qui conçoit l'évolution des lignées « en ligne droite », et mutationnisme) sont en concurrence pour expliquer les mécanismes de l'évolution, mais chacune semble porter des coups fatals aux autres. Seule l'émergence de nouveaux modes de pensée et de nouvelles pratiques, qui aboutira à la théorie synthétique, permettra de sortir de cette crise du transformisme.

D'abord, le principe de sélection naturelle va faire l'objet d'un premier traitement opératoire, selon une approche désormais quantitative. La biométrie, développée par Francis Galton (1822-1911), va permettre de définir les paramètres statistiques nécessaires à une analyse quantitative de la sélection naturelle à l'échelle des populations.

Ensuite, depuis la redécouverte des lois de Mendel (1900), la génétique naissante apporte enfin une théorie de l'hérédité quantitative et formalisée. Celle-ci va permettre d'élaborer une théorie quantifiée et prédictive de l'évolution des gènes dans les populations, exprimée dès 1908 par la loi d'équilibre de G. H. Hardy et W. Weinberg. Selon celle-ci, une population mendélienne garde la même distribution de fréquence de ses gènes s'il n'y a ni mutation, ni migration, ni sélection naturelle.

À partir de ces données, et parallèlement à la théorie chromosomique de l'hérédité magnifiquement développée sur la drosophile par l'école de Thomas H. Morgan, s'élabore la génétique théorique des populations. Ses modèles les plus fondamentaux ont été construits au cours des années 1920 et 1930 par R. Fisher et J. B. S. Haldane en Angleterre et S. Wright aux États-Unis, ainsi que par Sergeï Tchetverikov (1880-1959) en Russie. Ces chercheurs formalisent des modèles d'évolution en examinant comment les divers facteurs (mutation, sélection, effectifs...) interagissent et peuvent modifier les populations. Ils démontrent formellement ainsi que la sélection constitue bien une « force concrète », autrement dit un mécanisme naturel efficient pouvant imposer des transformations aux populations, mais qu'elle n'est efficace que dans certaines conditions. Avec l'invention en France, par Georges Teissier et Philippe l'Héritier (1934), des « cages à populations » de drosophiles, les prévisions de la génétique des populations peuvent être testées : pour la première fois, l'évolution entre dans le domaine expérimental. La génétique des populations a été ainsi le « noyau dur » de la « synthèse moderne » ou « théorie synthétique de l'évolution » (Julian Sorell Huxley, 1942), vaste mouvement de réorganisation de toutes les disciplines scientifiques impliquées dans l'étude de l'évolution et qui se cristallise au congrès de Princeton (1947). Son ancrage disciplinaire, initialement réalisé par Theodosius Dobzhansky autour de la génétique des populations, a été complété par la systématique (Ernst Mayr, Bernhard Rensch) et par la paléontologie (George Gaylord Simpson), ces divers domaines interagissant autour de la notion d'espèce et des mécanismes de la spéciation, qui leur ont servi de « dénominateur commun » dans une perspective populationnelle.

La synthèse postule que tous les processus évolutifs doivent être compatibles avec les données de la génétique et, par ailleurs, que la sélection naturelle constitue le facteur principal orientant le changement évolutif. Sur le plan théorique, elle constitue donc fondamentalement une synthèse de la génétique et du néo-darwinisme. Pourtant, à l'origine, la théorie synthétique souhaite véritablement mériter son nom en faisant preuve, sans doute pour des raisons en partie sociologico-politiques[...]

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