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ÉVOLUTION

Évolution de la synthèse : remises en cause et élargissements (1970-1990)

À partir des années 1970, cependant, après avoir gagné progressivement l'adhésion de la grande majorité des biologistes et paléontologues mondiaux, la synthèse « orthodoxe » va susciter une insatisfaction grandissante et connaître de profondes remises en cause. L'insatisfaction a de multiples origines. Certaines sont d'ordre sociologique, liées à des conflits de génération ou de pouvoir. D'autres, plus essentielles, touchent à des problèmes épistémologiques et proprement scientifiques.

L'origine des adaptations

En théorie synthétique classique, la transformation évolutive est adaptative et se réalise de façon lente et graduelle, cumulative, par addition de minimes modifications sous contrôle de la sélection. Mais, si les transformations phénotypiques produites par mutation sont au départ infimes, comment peuvent-elles initialement modifier l'adaptation de l'organisme à son environnement au point de devenir la « cible » d'une sélection particulière qui favoriserait leur maintien ? L'objection pose, dans sa généralité le problème de l'origine de la transformation évolutive dans son rapport à l'adaptation. (cf. L'exaptation). Une autre difficulté concernait, dans le cadre de la génétique classique, la mise en jeu du principe de répétitivité-additivité des modifications pour rendre compte du caractère coordonné et cumulatif des transformations évolutives. Les progrès de la génétique de la fin du xxe siècle apporteront des éléments de réponse à ces objections.

Les limites du gradualisme

Dans la nature actuelle, les espèces apparaissent comme des entités phénétiquement et génétiquement bien distinctes les unes des autres, selon une image assez différente du continuum (anamorphose) suggéré par une évolution totalement graduelle, surtout si l'on néglige l'effet des extinctions sélectives des formes intermédiaires. Replacé dans le temps évolutif, le gradualisme devrait aussi se manifester par une transformation très progressive entre ancêtres et descendants, mais cela est loin de toujours correspondre aux données paléontologiques. En fait, le gradualisme exprime bien l'une des modalités de formation d'espèces nouvelles : l'anagenèse (ou « évolution phylétique » de Simpson), c'est-à-dire une transformation progressive (et adaptative), sous contrôle sélectif, au sein d'une série phylétique. Cette modalité de la spéciation a été privilégiée par la synthèse. Cependant une autre modalité de la spéciation, également admise par celle-ci mais de façon un peu moins centrale, s'exprime par la cladogenèse, ou branchement évolutif. Dans ce cas, une lignée se scinde en deux (ou plusieurs) ensembles dès lors génétiquement isolés, qui évolueront pour leur propre compte et divergeront. Ce processus, où la sélection peut perdre de l'importance à certaines étapes, en raison de la réduction des effectifs des populations, n'entraîne pas la nécessité d'un gradualisme complet au niveau phénotypique, et les espèces, envisagées sous ce modèle, apparaissent davantage comme des entités bien distinctes. On s'est ainsi demandé dans quelle mesure l'anagenèse était responsable d'innovations évolutives significatives et si ces dernières ne seraient pas plus généralement associées aux cladogenèses, avec pour conséquences la remise en cause du concept d'espèce et la proposition de modèles alternatifs de spéciation.

L'espèce et ses problèmes

Que sont donc véritablement les espèces ? Le concept populationnel d'espèce biologique (ou biospecies), central dans la théorie synthétique, a été contesté, par une multitude de visions alternatives : la chronospecies des paléontologues, l'espèce phylogénétique[...]

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