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ÉVOLUTIONNISME

Il est fréquent de voir dans l'évolutionnisme une conception qui concerne exclusivement les êtres vivants. Parfois même, on le confond avec une théorie de l'évolution, celle de Charles R. Darwin, et surtout de ses continuateurs. Plus généralement, la pensée évolutionniste admet que les changements des systèmes vivants sont des transformations qui font que ces systèmes procèdent les uns des autres, et interprète tous les phénomènes biologiques dans cette perspective. Une telle acception ne rend cependant pas compte d'un système de pensée beaucoup plus vaste dans lequel on peut voir, au-delà de toute théorie scientifique et au-delà de la biologie, une philosophie, une idéologie, une vision du monde – peut-être même la vision moderne du monde.

De la biologie à la philosophie de l'histoire

L'évolutionnisme est sans doute devenu possible à partir de la révolution scientifique moderne. Dès le xviie siècle, certains penseurs ont cherché à reconstituer le processus de formation de l'univers à partir d'un donné matériel initial. Au xviiie siècle apparaissent des conceptions déjà évolutionnistes de l'histoire ou de la genèse des facultés de l'homme et du développement des sociétés humaines. Mais c'est évidemment le xixe siècle qui va être non seulement le siècle de l'évolutionnisme biologique, mais aussi celui d'un évolutionnisme généralisé. Celui-ci devient un moyen de rendre compte des phénomènes dans tous les champs du savoir, notamment en biologie avec Lamarck (1744-1829) et Darwin (1809-1882) et en anthropologie avec G. Klemm, J.-J. Bachofen, L. Morgan. Il est explicité philosophiquement dans sa prétention à la validité universelle par Herbert Spencer (1820-1903). Nombre de grandes philosophies de l'époque sont également évolutionnistes (Hegel, Marx, Comte, Bergson).

Une caractéristique essentielle de l'évolutionnisme philosophique, même quand il est généralisé et ne concerne pas spécialement les êtres vivants, tient à la référence qu'implique le concept même d'évolution au développement d'un individu vivant. Spencer, le philosophe qui dégage le plus explicitement les principes généraux de l'évolutionnisme, reconnaît s'inspirer des travaux de certains biologistes, en particulier ceux de l'embryologiste K. E. von Baer (1792-1876). À l'origine, le terme « évolution » signifiait le déploiement d'un germe dans lequel une « forme » est déjà présente et encore enveloppée. Mais les progrès de l'embryologie au xviiie siècle ont conduit à renoncer à cette interprétation préformationniste pour adopter une conception épigénétique du développement du vivant, comme l'a montré Georges Canguilhem (1904-1995) en étudiant ce qu'il appelle la réformation des concepts d'évolution et de développement entre 1759 et 1859, date de parution de L'Origine des espèces de Darwin. Le cycle vital ne présuppose plus la forme, mais consiste en sa genèse, voire comporte une suite de métamorphoses conduisant à la forme de l'individu adulte. C'est ce concept d'une évolution-développement qui va être généralisé dans l'évolutionnisme. Von Baer présente l'évolution comme allant d'une matière indifférenciée à la matière différenciée et organisée. L'évolutionnisme philosophique applique cette idée non seulement à toute la suite des êtres vivants, mais au devenir de l'univers en général et à l'histoire humaine.

Cette conception de l'évolution a permis de dépasser l'idée de progrès indéfini caractéristique du xviiie siècle et dont Hegel, Comte et Spencer font également la critique. L'histoire universelle n'est pas simple progrès, mais évolution. La loi du progrès organique vaut pour toute forme de progrès : pour la formation[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Bourgogne

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