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EXAMINATION & CROSS-EXAMINATION

Interrogatoire et contre-interrogatoire des témoins devant le juge anglais. L'institution remonte aux premiers temps de la justice royale, aux xiie et xiiie siècles ; quand une personne se plaignait d'une autre auprès du roi, celui-ci ou un officier de sa cour chargeait un de ses agents d'aller entendre les parties au litige et les témoins et de lui rapporter si les faits allégués par le demandeur étaient exacts. La procédure était donc essentiellement morale et fondée sur une confrontation. Par la suite, la confrontation s'est faite devant un jury, lui-même convoqué devant un juge : le jury décidait des questions de fait, et le juge des points de droit. Le jury n'est plus aujourd'hui convoqué que dans des cas exceptionnels, mais la procédure se déroule encore comme en sa présence. L'avocat du demandeur, après avoir brièvement présenté le cas de son client et les problèmes de fait et de droit qu'il soulève, fait entendre son client et les témoins dont il pense qu'ils serviront sa cause. Pour cela, il les fait appeler à tour de rôle et leur pose des questions : c'est l'examination. Mais quand l'avocat a posé les questions qu'il voulait à son client ou à l'un des témoins, l'avocat adverse se lève et procède au contre-interrogatoire : la cross-examination. Il va alors poser des questions dont il espère qu'elles amèneront des réponses discréditant la thèse de l'adversaire. Souvent, il reviendra sur un certain point après avoir parlé de divers autres et en le prenant sous un angle différent, dans l'espoir d'amener le témoin à se contredire, fût-ce même en apparence. Par suite de l'adresse des avocats, c'est une épreuve redoutable pour le témoin ; mais le juge est là pour veiller à ce que la joute se déroule avec fair-play. À la demande de l'adversaire, il peut interdire qu'une question soit posée ou qu'elle soit posée sous la forme tendancieuse sous laquelle l'avocat l'avait formulée. Les règles très techniques de l'evidence gouvernent la recevabilité des questions. Aux États-Unis, des associations de médecins ont publié des manuels pour avertir leurs membres des moyens couramment employés par des avocats pour les discréditer, et des réponses prudentes qui permettent de parer à leurs questions insidieuses. Pour l'avocat aussi, ce jeu est difficile. Une question malheureuse peut susciter une réponse qui détruirait le bénéfice qu'avait apporté un témoin. L'épreuve demande beaucoup de psychologie de la part de l'avocat, et des nerfs solides de la part du témoin. La cross-examination terminée, le témoin peut être repris en mains par celui qui espérait, et peut-être espère encore en lui : c'est la re-examination. Quand l'avocat du demandeur a fait entendre ses témoins, celui du défenseur fait de même, selon la même procédure. Il reste aux avocats à dire quelles conclusions ils dégagent de ces confrontations, puis au jury, ou au juge, à décider où est la vérité. La procédure est donc longue et coûteuse.

Les analogies que présente cette procédure avec certaines procédures françaises sont assez lointaines. Celle-ci occupe en Angleterre une place centrale dans tout litige. La procédure est essentiellement orale, alors qu'elle est plutôt écrite en France. On dit parfois, avec la dose d'humour convenable, que juges et jurés sont encore censés ne pas savoir lire : si le tribunal a besoin pour l'éclairer des explications et de l'opinion d'un expert, cet expert en France déposera un rapport écrit, alors qu'en Angleterre ou aux États-Unis il sera entendu comme témoin ; de même, le procès-verbal de gendarmerie ou de police est remplacé par l'audition du policier ; enfin, lorsqu'en France le tribunal ordonne une enquête, incident de procédure qui permet lui aussi l'audition de témoins,[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-I

Classification

Autres références

  • PREUVE JUDICIAIRE

    • Écrit par
    • 2 942 mots
    ...permis à l'accusé de témoigner à sa propre décharge. Sans se faire plus qu'ailleurs d'illusion sur la sincérité des témoins, le droit anglais cherche à y remédier en soumettant tout témoin, quel qu'il soit, à la redoutable épreuve de la cross- examination (interrogatoire croisé) par la partie adverse.