EXCÈS DE POUVOIR
Les moyens de protection
Traditionnellement, l'administration est soumise au contrôle du juge, ainsi qu'à celui du Parlement. Mais ces contrôles n'étaient pas toujours suffisants, et c'est pourquoi l'action des médiateurs administratifs est venue s'y ajouter.
Le contrôle juridictionnel
On dit que les actes de l'administration sont soumis à un contrôle juridictionnel lorsque la personne qui se prétend victime d'un excès de pouvoir peut s'adresser à un tribunal indépendant, qui recherche le droit applicable et rend une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée – en d'autres termes, une décision à laquelle l'administration elle-même est juridiquement tenue de se conformer.
L'existence d'un tel contrôle ne va pas de soi, surtout lorsqu'il s'agit d'actes émanant d'une administration de l'État. Dans les régimes qui ne reconnaissent pas le principe de la séparation des pouvoirs, il est difficile d'admettre que l'État, qui dispose de la force publique et qui incarne l'intérêt général, puisse être condamné à l'issue d'un procès intenté par une personne privée. C'est ainsi que, en Union soviétique, avant la perestroïka, sous réserve d'exceptions limitativement énumérées, aucun tribunal ne pouvait annuler un acte de l'administration, ni même en apprécier la légalité. Et, même dans les pays où le contrôle juridictionnel est depuis longtemps admis, comme c'est le cas en France, certains actes accomplis par les autorités publiques lui échappent toujours, parce que leur objet touche de trop près à la politique (il s'agit essentiellement des actes qui intéressent les relations entre le Parlement et le gouvernement, ou les relations entre l'État et une puissance étrangère).
Il ne faut cependant pas croire que, en l'absence de contrôle juridictionnel, les administrés sont totalement désarmés. Ils peuvent en effet s'adresser aux supérieurs hiérarchiques qui exercent sur les actes de leurs subordonnés un contrôle de légalité et d'opportunité. Parfois, un organe extérieur à l'administration active participe à ce contrôle hiérarchique en instruisant les dossiers et en formulant des recommandations. Par exemple, en Union soviétique, bien avant la perestroïka, les plaintes dirigées contre l'administration étaient examinées par un membre de la Prokuratura. Le rôle de ces « procureurs » consistait à appeler l'attention des organes supérieurs de l'État sur les illégalités commises par l'administration. De même, en France, jusqu'en 1872, c'était en principe le chef du pouvoir exécutif qui statuait sur le recours pour excès de pouvoir (système de la justice retenue), mais l'affaire était instruite par le Conseil d'État, qui soumettait un projet de décision. Ce dernier exemple montre d'ailleurs que l'on peut passer insensiblement du contrôle hiérarchique au contrôle juridictionnel, car le Conseil d'État a bénéficié, en fait, de la même autorité qu'une juridiction bien avant que cette qualité lui eût été officiellement reconnue (système de la justice déléguée).
Aujourd'hui, la soumission de l'administration à un juge est considérée comme l'un des grands principes de l'État de droit, aussi bien à l'Est qu'à l'Ouest, et des juridictions administratives ont été instituées en Russie, ainsi que dans la plupart des anciens pays communistes d'Europe orientale. De ce fait, le rôle de la Prokuratura, en tant qu'organe de contrôle de l'administration, a perdu une partie de son importance.
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Écrit par
- Francis HAMON : professeur émérite à l'université Paris-Sud
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