EXCLUSION
Un risque variable selon les catégories de population
De même que le risque d'exclusion varie selon le type de société, de même varie-t-il selon les catégories de population. En effet, si tout le monde peut basculer dans l'anomie la plus totale, certaines personnes y sont plus exposées que d'autres. C'est le cas notamment des femmes, des jeunes actifs et des minorités ethniques. L'exclusion a d'abord un visage de femme et cela vaut aussi bien pour les pays du Sud que pour ceux du Nord, comme les États membres de l'Union européenne où 70 p. 100 des 36 millions d'Européens vivant au-dessous du seuil de pauvreté sont des femmes. Elles représentent 55 p. 100 des chômeurs de longue durée, 90 p. 100 des parents isolés, particulièrement frappés par l'extrême pauvreté, et 80 p. 100 des personnes non couvertes par la protection sociale. Les jeunes sont également particulièrement exposés au risque d'exclusion. Plus souvent touchés par le chômage que les autres classes d'âge, ils sont aussi plus souvent abonnés aux emplois atypiques que leurs aînés (intérim, C.D.D., etc.), alors même qu'ils sont en moyenne plus diplômés. Ils subissent donc un phénomène de déclassement qui contribue à leur précarisation, les déclassés quittant plus fréquemment leur employeur. Enfin, les minorités ethniques, plus souvent discriminées, connaissent aussi plus fréquemment l'exclusion. Les études de trajectoires de demandeurs d'emploi réalisées par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (D.A.R.E.S.) sont sur ce point très éclairantes. Ainsi, à qualification égale, les enfants d'immigrés maghrébins encourent-ils un risque de chômage beaucoup plus élevé que le reste de la population en France, notamment les enfants d'immigrés espagnols ou portugais. La durée du chômage est aussi pour eux plus longue : pour les français issus de parents non européens, elle est en moyenne de 11,55 mois, contre 9,9 mois pour les Français de parents français. Dans certains cas, ce type de discrimination conduit à la formation de ghetto, c'est-à-dire, selon Loïc Wacquant, « d'espaces clos ethniquement homogènes au sein desquels une catégorie négativement privilégiée (pour parler comme Max Weber) est contrainte de développer ses institutions propres en réaction au rejet de la société dominante – comme ce fut le cas des Afro-Américains durant les décennies de consolidation industrielle du xxe siècle ». Aux nombreux facteurs d'exclusion s'ajoute alors la variable territoire.
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Écrit par
- Delphine DULONG : docteur en science politique, maître de conférences en science politique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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