EXISTENCE (notions de base)
Être et exister
Dans son essai L’existentialisme est un humanisme (1946), Jean-Paul Sartre reprend l’argumentation nietzschéenne sur la feuille de l’arbre en lui substituant l’exemple du coupe-papier. L’essentialisme suppose naïvement un « Dieu artisan » ayant « fabriqué » l’homme comme l’artisan fabrique un coupe-papier. Un artisan doit se représenter le coupe-papier avant de le produire, il doit imaginer l’ensemble de ses propriétés (matériau, forme, etc.) avant de réaliser l’objet qui, telle la feuille de Nietzsche, et aussi grandes que soient les compétences de l’artisan, paraîtra toujours décalé et imparfait comparé à l’idée qui a servi de modèle à sa réalisation. C’est ce modèle inspiré de Platon et de sa théorie des idées, qui aurait guidé tous les philosophes des siècles précédents. Mais « si Dieu n’existe pas, il y a au moins un être chez qui l’existence précède l’essence, un être qui existe avant de pouvoir être défini par aucun concept, et cet être, c’est l’homme ».
Pourquoi est-il particulièrement important de réserver à l’homme ce type de raisonnement ? Parce que c’est notre liberté qui est en jeu. Si une essence conçue par Dieu précède notre naissance, nous sommes des êtres programmés qui ne pouvons rien faire d’autre que « dérouler notre programme » tout au long de notre vie. Jean-Paul Sartre a le mérite de montrer qu’une science déterministe appliquant à l’homme la même idée de causalité que celle qui lui a permis de mettre la nature en équations nous rend aussi « esclaves » que les conceptions religieuses. Que notre essence soit choisie par Dieu ou qu’elle soit le fruit des déterminismes naturels, nous sommes des êtres programmés qui ne disposons pas de la plus petite marge de liberté. Mais si l’on gomme toute idée d’essence préalable, nous nous retrouvons en possession de nos vies. Il suffit d’accepter l’idée que « l’homme existe d’abord, [qu’il] se rencontre, surgit dans le monde, et [qu’il] se définit après ». Sans essence prédéfinie, l’homme « n’est d’abord rien », il « n’est rien d’autre que ce qu’il se fait ».
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Écrit par
- Philippe GRANAROLO : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires
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