EXISTENCE (notions de base)
Libre choix, responsabilité et mauvaise foi
Qu’il y ait ou non chez Jean-Paul Sartre un héritage heideggérien, ce privilège du futur est incontestablement un point commun des deux philosophies. Pour Sartre, « l’homme existe d’abord, c’est-à-dire que l’homme est d’abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l’avenir. L’homme est d’abord un projet qui se vit subjectivement, au lieu d’être une mousse, une pourriture ou un chou-fleur ; rien n’existe préalablement à ce projet ; rien n’est au ciel intelligible, et l’homme sera d’abord ce qu’il aura projeté d’être ».
Un projet fondamental, qui n’est pas nécessairement conscient mais qui est susceptible à chaque instant de le devenir, guide nos pas, et nous en portons la totale responsabilité. Il faut donc que l’existence précède l’essence pour que la notion de liberté ait une réelle signification. « Si vraiment l’existence précède l’essence, l’homme est responsable de ce qu’il est. Ainsi la première démarche de l’existentialisme est de mettre tout homme en possession de ce qu’il est et de faire reposer sur lui la responsabilité totale de son existence. »
Cette absolue liberté est bien évidemment lourde à porter. Jean-Paul Sartre va jusqu’à la présenter comme une « condamnation » que nous devons accepter : « Nous sommes condamnés à être libre. » On ne s’étonnera donc pas du fait que l’homme cherche souvent à se masquer à lui-même son libre arbitre. Il peut le faire en imaginant qu’il refuse de choisir, oubliant que « si je ne choisis pas, je choisis encore ». Il le fait plus souvent encore en ayant recours aux excuses des déterminations naturelles ou sociales, et par exemple aux caractéristiques innées que l’individu n’a pas choisies. L’être humain s’installe alors dans ce que Sartre dénomme la « mauvaise foi », qui n’est pas sans rappeler l’« inauthenticité » de Heidegger, à la différence près que chez Martin Heidegger nous avions affaire à une pure description, tandis que chez Jean-Paul Sartre nous nous trouvons face à un jugement moral. Quand l’individu accusé de lâcheté se réfugie dans l’excuse d’un tempérament timoré qu’il n’a évidemment pas choisi, Jean-Paul Sartre vient lui rappeler qu’« un tempérament, ce n’est pas un acte » et que « le lâche est défini à partir de l’acte qu’il fait ».
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Écrit par
- Philippe GRANAROLO : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires
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