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EXISTENTIALISME

Indépendamment de ses fondements théoriques et de ses retentissements philosophiques, l’existentialisme mérite d’être considéré dans une perspective littéraire et même sociologique. Une des raisons de sa popularité est sans doute que cette philosophie de l’existence ne propose pas un système achevé. Elle formule plutôt un rapport au monde dont on pourra également trouver trace chez des penseurs anciens (Sénèque, saint Augustin, Pascal) ou chez des écrivains précurseurs tels que Dostoïevski ou Kafka, qui expriment la condition tragique de l’homme.

Apparue au cours de la décennie 1930-1940, la philosophie existentialiste puise à des sources très diverses : Kierkegaard, Nietzsche, Jaspers, Heidegger (qui aura une influence forte sur le Sartre de L’Être et le Néant, 1943), Emmanuel Lévinas, Maurice Merleau-Ponty et Jean Wahl, mais aussi, sur son versant catholique, Gabriel Marcel et Emmanuel Mounier. Elle va s’imposer au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. L’épreuve de la guerre et des camps a fait vaciller en Europe les traditionnelles valeurs humanistes, remplacées par une interrogation sur le destin de l’homme et sur une relation au monde à refonder. Parallèlement, les promesses de renouveau portées par la Résistance en matière de vie collective et individuelle se heurtent au sentiment d’angoisse né de la douloureuse reconquête de la liberté.

À côté des débats philosophiques qu’il suscite et avant d’évoquer sa présence diffuse dans des œuvres littéraires, l’existentialisme donne naissance, à partir de 1945, à une mode qui trouve à s’exprimer dans des comportements et des choix de vie. La jeunesse (parisienne essentiellement) récupère son message de contestation vaguement libertaire et se complaît dans des gestes de provocation joyeuse. Les « zazous », jeunes gens désinvoltes et rebelles, en révolte contre leurs aînés, s’habillent de façon décontractée, se retrouvent dans les cafés ou les caves de Saint-Germain-des-Prés où l’on danse le be-bop sur des airs de jazz venus de l’Amérique. La grande presse offre un écho complaisant à ces manifestations d’anticonformisme et les associe à des figures d’intellectuels prestigieux (Sartre, qui fonde la revue Les Temps modernes en 1945, Simone de Beauvoir) considérés comme des maîtres à penser. Des chanteurs (Juliette Gréco, Mouloudji), des musiciens (Claude Luter), des peintres (Bernard Buffet) contribuent à répandre la vogue existentialiste. Ce folklore « rive gauche » est plaisamment décrit par Boris Vian (musicien de jazz avant d’être écrivain) dans un roman à la fois parodique, drôle et pathétique, L’Écume des jours (1947), dont un événement central est la conférence prononcée par le très vénéré philosophe Jean-Sol Partre.

Les thèmes et les enjeux de la pensée existentialiste vont irriguer certaines œuvres littéraires. Le plus représentatif des philosophes existentialistes, Sartre, qui publie en 1946 L’existentialisme est un humanisme, est un des premiers à investir le champ de la littérature pour donner une audience plus large à ses thèses philosophiques. Son roman La Nausée,paru en 1942, est suivi, après la guerre, par la trilogie Les Chemins de la liberté (1945-1949). Le théâtre peut également lui servir de tribune (Huis Clos, 1944 ; Les Mains sales, 1949 ; Le Diable et le bon Dieu, 1951). Dans la même veine philosophico-romanesque, Simone de Beauvoir publie les romans L’Invitée (1943) et Les Mandarins (1954). L’autre grand penseur que l’on classe dans la famille existentialiste est Albert Camus, qui s’attachera à développer la notion d’absurde née du divorce entre les aspirations de l’homme et les désillusions de la vie, et cela autant dans ses essais philosophiques (Le Mythe de Sisyphe, 1942), que dans ses romans (L’Étranger, 1942 ; La Peste, 1947 ; La Chute, 1956) ou dans son théâtre (Caligula[...]

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  • : agrégé de lettres modernes, docteur d'État ès lettres, professeur de chaire supérieure honoraire

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